Les lectures

Les Mortes-Eaux de Andrew Michael Hurley

Les Mortes-Eaux de Andrew Michael Hurley

Angleterre, années soixante-dix. Un groupe de dévots londoniens se rend, à l’occasion de Pâques, dans le Loney, un endroit perdu sur la côte, pour une pieuse retraite de quelques jours. Parmi eux, Hanny, le fils aîné de la famille Smith, handicapé mental et muet. Tous espèrent sa guérison miraculeuse à l’issue du pélérinage. C’est son frère cadet qui narre le récit des ces jours passés entre rites immuables de jeûne et de prières, et, pour les deux enfants, l’exploration des environs et la découverte de ses assez étranges habitants.

Au fil des pages, on pense à Stephen King (qui recommande, paraît-il, le livre) pour ses analyse des tourments de l’enfance et des noirceurs secrètes de l’âme adulte. On pense aussi à Lovecraft, ses vieilles et inquiétantes bâtisses, sa nature rendue menaçante par des détails insignifiants, et ses autochtones bizarres.
Mais, très loin de se mesurer à ces deux géants, le livre se présente plutôt comme une suite de chroniques et d’anecdotes débouchant parfois sur une morne banalité, parfois sur la découverte d’indices à peine effrayants.

Ceux qui attendraient un roman de terreur, plein de sang et fureur, seront sans doute déçus. Nous avons ici affaire à un livre sans véritable climax, mais à l’ambiance gothique, pesante, et aux personnages pour la plupart assez perturbés pour devenir dérangeants.

Un livre sombre, couvert de brume, sans vraiment d’éclaircies, si ce n’est par moments l’humanité bonhomme du père Bernard, le nouvel aumônier du groupe, et surtout une assez émouvante histoire d’amour fraternel et de complicité entre Hanny et le narrateur, complicité qui leur permettra de transcender jusqu’aux plus horribles actes les affectant. Comme si, au-delà de rites souvent hypocrites, passablement ridicules ou incroyablement violents, seules la confiance en l’autre et la solidarité humaine pouvaient être réellement salvatrices.

Livre d’horreur ? Certainement pas. Livre de terreur ? Sans doute pas. Livre fantastique ? À peine. Mais une oeuvre en fait profonde, qui interroge nos croyances, toutes les croyances, et dont le lecteur neutre pourra, sans déplaisir, se contenter.

Benoît Platton

Andrew Michael Hurley, Les Mortes Eaux, Denoël, traduit de l’anglais par Santiago Artozqui21,80 €, 383 p.