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Hostiles de Scott Cooper

Hostiles de Scott Cooper

Scott Cooper est acteur, producteur, scénariste et réalisateur. Avec Hostiles, son 4e film, il continue l’exploration de thèmes récurrents dans une oeuvre cohérente, qui à première lecture peut laisser craindre des poncifs, un air de déjà vu…

Hostiles raconte comment un soldat, féroce ennemi des indiens, va mener sa mission : convoyer un chef Cheyenne et sa famille sur les anciennes terres de sa tribu. Scott Cooper fait cohabiter la rigueur (on pense parfois au film The Witch) et un certain lyrisme (Danse avec les loups) pour mettre en scène la fin de la guerre de Sécession et des guerres indiennes. C’est le début d’un empire : celui des États-Unis d’Amérique. Les paysages et scènes mythiques du western sont là (attaques éclairs, paysages à la fois monotones et grandioses, forêt, traversée de rivières, bivouacs…) et le réalisateur les rend complexes. Les éléments donnent à réfléchir plutôt que de dicter une pensée ou une symbolique. Le propos est clair, il s’agit de parler du résultat d’une conquête et de violence. Si les personnages sont de véritables archétypes du genre, ils n’ont rien de coquilles vides. Le soldat Blocker est ce que l’on appelle souvent – une fois que la guerre est finie – un « criminel de guerre ». Au service de l’État il a massacré hommes, femmes et enfants. Maintenant que la paix s’amorce, ces soldats ne sont plus des héros, sans pour autant être aux yeux de la loi des criminels. Brisés, ils sont rattrapés par leur conscience. C’est ce que le film montre dans de nombreuses scènes, parfois subtilement, parfois un peu moins. S’y ajoute le personnage de Madame Quaid, qui doit elle aussi affronter la violence et trouver comment la gérer.

Scott Cooper dirige à nouveau l’acteur Christian Bale après Les Brasiers de la colère (2013). Salué par ses performances physiques dans The Dark Knight ou The Machinist, il livre ici l’interprétation la plus intime de sa filmographie – pourtant prolifique – en soldat brisé sur le chemin du pardon, avec certaines des plus belles scènes du film. Rosamund Pike joue avec dignité une mère dévastée par la perte de sa famille sous les flèches des Comanches. Sa qualité de jeu n’est plus à démontrer depuis sa prestation remarquable dans Gone Girl. Ben Foster, qui retrouve Christian Bale dix ans après 3h10 pour Yuma (là aussi un western), interprète un ex-soldat tueur, véritable miroir de Joseph Blocker. Certains reconnaitront le jeune Timothée Chalamet, consacré par le succès de Call Me by Your Name, dans le rôle du soldat frenchie. Dans le camp des Cheyennes, on retrouve Wes Studi, un habitué des rôles d’amérindien et de chef de tribu (Danse avec les loups, Geronimo, Avatar), excellent une fois de plus : il est Yellow Hawk, chef de guerre mourant d’un cancer, escorté pour son dernier voyage vers ses terres. Avare de mots, il transmet l’émotion avec retenue et pudeur. Il est rejoint par celle qui jouait déjà sa fille dans Le Nouveau Monde : Q’orianka Kilcher, vue récemment dans The Alienist, adaptation sérielle du livre éponyme.

Le pardon et la réconciliation sont-ils possibles quand des peuples ont passé des décennies à se battre ? Scott Cooper répond avec ce film nuancé, dans une démonstration peut-être un peu rapide mais forte en émotions et en portes ouvertes.

Emeric Cloche, Caroline de Benedetti, Justine Vaillant