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Rétiaire(s) de DOA

Rétiaire(s) de DOA

L’histoire, nous la connaissons tous déjà, non ? D’un côté il y a la loi (une gendarme de l’Office anti-stupéfiants), de l’autre le crime (un clan Yéniche). Entre les deux, la frontière est parfois bien floue. Des prémices classiques n’empêchent pas Rétiaire(s) de DOA de réserver quelques surprises. L’auteur de Citoyens Clandestins (Grand Prix de Littérature Policière 2007) sait dynamiser un scénario.

La marque de DOA tient dans sa précision. Pour immerger dans les services de gendarmerie et de police, pour montrer l’organisation du trafic de drogue comme pour décrire la vie en prison. Le plus souvent clinique et froide, sa façon de raconter fait indéniablement son effet. La mécanique de l’histoire repose sur des enjeux simples : la drogue va-t-elle être livrée, la police va-t-elle pouvoir l’arrêter ? Ajoutons une actualité proche, puisque Rétiaire(s) se déroule sur fond d’épidémie de Covid, avec des déplacements et des comportements contraints.

Quant à la chair qui englobe tout ça, elle repose sur de nombreux personnages et enjeux. Quand on connaît son DOA on le sait, le lire demande d’être attentif. D’autant qu’il faut compter avec trahisons et rivalités. La fiction se développe autour des sentiments et des traumatismes indispensables pour faire exister les protagonistes. Le flic Théo a vu sa femme et sa fille tués dans leur maison. Le clan Cerda est marqué par la mort du père. Qui incarne l’autorité entre Momo, Manu et la montée en force de la jeune Lola ? Le contraste entre tous ces éléments – descriptions minutieuses et chair romanesque – fait la particularité de l’écriture de DOA.

Dans l’empire romain, le rétiaire était un gladiateur équipé d’un filet, d’un trident et d’un poignard, autant dire peu de choses face à ses adversaires. Dans le roman, chaque protagoniste combat à sa façon et à sa mesure, parfois contre l’adversaire du camp d’en face, parfois contre son propre camp.

Prenant et tragique comme savent l’être les bons romans noirs quand ils sonnent juste, Rétiaire(s) signe un début d’année 2023 sur les chapeaux de roue pour la Série Noire.

Emeric Cloche et Caroline de Benedetti

DOA, Rétiaire(s), Série Noire/Gallimard, 2023, 430 pages, 19 Euros.