Krimi, le polar allemand / Les lectures

Abysses de Frank Schätzing

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Des phénomènes étranges apparaissent à travers le monde et semblent liés aux fonds marins. Gouvernements et scientifiques s’allient pour comprendre et combattre. De cette très simple idée de départ, l’auteur allemand construit tout un imaginaire qui puise autant dans notre réalité et ses problèmes qu’il se nourrit des fictions. On retrouvera le Gulf Stream, l’importance d’El Nino, l’impact des sonar, les câbles sous-marins qui relient nos informations, les satellites, l’agriculture, l’industrie pétrolière, la génétique et l’évolution…

La question écologique se double d’une réflexion sur notre capacité à comprendre ce qui ne nous ressemble pas, qu’il s’agisse d’une autre culture ou de potentiels extra-terrestres. Ce qui pose la question de la norme et de ce qui en sort, notamment quand au cinéma « nous avons à faire soit à des monstres, soit à des saints. (…) Les extra-terrestres apparaissent presque toujours comme une expression exagérée et souvent grotesque des espoirs et des peurs humaines. Les extra-terrestres de Rencontres du troisième type symbolisent notre désir de retrouver le paradis perdu. »

Ces sujets permettent de parler de l’impact de l’homme sur la nature et du rôle qu’il entretient avec son environnement. Si la réflexion n’a rien d’inédit, surtout de nos jours, l’auteur nous expédie dans le ciel et au fond des océans. Et il le fait bien, réussissant à tous les niveaux : un propos, une écriture sobre qui évite tous les écueils du thriller, des personnages variés et surprenants.

Le scénario catastrophe, superstar au cinéma, l’est moins en littérature. Frank Schätzing s’y attelle avec un pavé dont les 1 200 pages peuvent effrayer, mais qui fait mieux que tenir la route (on connaît certains romans de 250 pages très ennuyeux…)

« Ils avaient créé à leur usage un monde de seconde main, l’une de ces copies idéalisées, qui devenaient au fil du temps plus familières à l’homme que la réalité. En Amérique, certains enfants dessinaient des poules à six pattes parce que les cuisses de poulet étaient conditionnées par six dans les supermarchés. On buvait son lait sorti d’un emballage en carton, et on faisait le dégoûté devant le contenu d’un pis de vache. »

Abysses est un roman divertissant et intelligent ; rare.

Caroline de Benedetti

Frank Schätzing, Abysses, 2008, Presses de la Cité, traduit de l’allemand par Danièle Darneau. Points, 2009, 1216 pages, 9,60 €.