Le roman noir a ses classiques et tout a commencé avec le détective privé vêtu d’un feutre et d’un imper. Sur l’écran de télévision, sa silhouette se dessine derrière la porte vitrée du bureau. L’image est en noir et blanc, et une femme surgit souvent sans tarder. Parfois, le détective a un comparse. Cette ambiance plane sur le roman de Peter Spiegelman. Le docteur Knox a tout de l’héritier de Raymond Chandler et Dashiell Hammett.
Knox a été médecin humanitaire en Afrique, mais une mission traumatisante l’a fait rentrer aux États-Unis. Dans un quartier pauvre de Los Angeles, il ouvre un dispensaire et raccommode les blessures. Une carrière pas bien lucrative. Heureusement, son vieil ami et ancien militaire Sutter lui trouve des contrats dans les riches demeures des collines, là où la haute société a parfois besoin de se faire soigner en toute discrétion.
Spiegelman a une façon de reprendre les vieux codes qui n’a rien de lassant. Sans doute l’humanité de Knox y est pour quelque chose. Son envie obstinée de sauver le monde et son goût pour la justice le rendent attachant. L’enquête qu’il mène, à la recherche de la mère d’une enfant qu’il a recueilli, n’a au fond pas d’importance. Elle permet d’évoquer le sort des femmes roumaines prostituées et la puissance éternelle de l’argent. La dose d’humour, la description d’un quartier voué à la gentrification, l’écriture, emportent l’adhésion. Knox est notre ami. Il prend sa douche « pour se laver d’une longue journée remplie de gens qui avaient des poux dans les cheveux, des voix dans la tête, des batteries de maladies chroniques non traitées, des mutilations diverses et des infections aiguës » et il voit les autres avec son oeil médical « bien que le rougissement du visage ne soit pas toujours un symptôme de l’hypertension, je me suis demandé si quelque chose n’était pas en train d’éclater sous ce crâne nervuré. »
Sutter, mais aussi les femmes de sa vie, le personnel soignant du dispensaire, constitue une équipe et l’humanité autour de lui. Une Amérique terriblement palpable, loin des énièmes culs terreux et rednecks que l’on trouve dans les polars américains traduits en France. La misère des villes.
Caroline de Benedetti
Peter Spiegelman, Dr Knox, 2018, Rivages, traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, 23 €, 500 p.