Parmi les nombreux ingrédients que l’on retrouve dans le chaudron littéraire de la Nouvelle Orléans surnagent la sorcellerie, le mystique et ses dérivations new age – voir à ce sujet le livre Louisianna Breakdown de Lucius Sheppard – et la musique. Dans le roman de Sara Gran vous croiserez entre autre Lyl Wayne et si vous accrochez au monsieur il vous faudra lire Dirty South Rap de Ace Atkins. Depuis quelques années les stigmates de l’ouragan Katrina se font sentir et les remarques que font les personnages de Sara Gran à ce sujet ne sont pas sans rappeler l’indispensable livre de Nik Cohn : Triksta.
Depuis le film noir et les romans de McCain, Hammett et Chandler la quête du détective est devenue une quête personnelle, au-delà de résoudre l’énigme (ici une mystérieuse disparition) le détective se penche sur lui, et son rapport au monde tisse une bonne partie du livre. Le monde de Claire DeWit est fait de bribes new age, de musiques (Tom Waits, Wild Magnolias, Shirley and Lee, T-Rex…) et de livres : celui de Jacques Silette, ce détective qui, comme le dit si bien Claude Le Nocher dans sa chronique pour Action Suspense, est un peu fumeux avec ses phrases sentences que l’on peut tordre dans tous les sens ; et les livres de Jim Thompson, Donald Goines et Raymond Chandler. Que l’on ne s’y méprenne pas, Sara Gran n’écrit pas comme les trois auteurs précédemment cités, mais son personnage de détective possède quelque chose de désabusé, de surprenant et d’un peu méchant et cela la rend attachante. Dans La ville des morts, l’auto-dérision est de mise. À voir avec la suite de la série puisque Claire DeWitt est un personnage récurrent.
Emeric Cloche.
Sara Gran, La ville des Morts, Éditions du Masque, 2015, 352p., 20 €
Aucune allusion à l’écriture du roman, car un polar qui n’offre pas de hautes qualités littéraires n’est finalement pas intéressant.