L’écriture de Michel Embareck, c’est la garantie de ne pas avoir envie de dormir dans les 5 minutes ou de laisser tomber le bouquin à la page 49. C’est aussi la possibilité de noter quelques expressions à replacer au bon moment ; il faut juste trouver le bon moment de ta vie pour caser « un truc qui touillait le gospel au fond d’une lessiveuse de sueur au piment ». En cas de baston, le proverbe hindou peut servir pour terroriser l’adversaire : « Tu te fous de nous, boum le genou. » Et si par hasard quelqu’un vous met sur le coup pour acheter des rubis, jouez-le blasé et retenez la phrase qui fait pro : « Rien à dire, ce sont des vrais. La buée tient dessus (…). »
Voilà le retour du détective retraité Victor Boudreaux, déjà bien fatigué après Avis d’obsèques. Il tient tout de même la forme et vu ce qui l’attend on espère qu’il prend des vitamines. Comme souvent, son enquête le mène de la Nouvelle-Orléans à la France, avec cette fois un passage par le Vietnam, sur les traces de ses souvenirs de guerre (une guerre que Boudreaux a faite, comme tout privé qui se respecte) et des activités douteuses d’un chanteur altermondialiste au bonnet péruvien. Suicidé, le chanteur. Peut-être la faute à son goût pour le commerce équitable, cette activité qui consiste à « payer le producteur avec une tape sur le cul ».
Personne ne court plus vite qu’une balle est dédié à Henri Vernes, Bob Morane et Bill Ballantine. La filiation semble évidente, et l’hommage est à la hauteur. Boudreaux et son acolyte Turnbinton pratiquent le bras de fer aussi bien que le karaoké sans oublier de faire exploser un camion-citerne sur un aéroport avant de quitter le pays en volant un hélicoptère. Incroyable et on s’en fout. Ça défouraille à tout va et l’auteur raconte toujours ses sujets de prédilection, la corruption, les notables, le journalisme, le sport, la musique… Ce monde dépasse notre Victor, et nous aussi un peu, mais comme « l’écriture est une solitude qui tient compagnie », nul doute qu’on va le revoir pour encore quelques épisodes (les héros peuvent-ils mourir ?).
Michel Embareck, Personne ne court plus vite qu’une balle, L’Archipel, 2015, 18€95, 280 p.