Avec ce troisième film tiré d’un roman de S.A. Steeman, Henri-Georges Clouzot balaie le large spectre du polar ; le film est à la fois une enquête, un suspense et une exploration de la société et de la façon dont les hommes et les femmes y vivent. Servi par une brochette d’acteurs de haut vol, des décors impeccables et une mise en scène parfaite Quai des Orfèvres est un film indispensable à tout amateur de polar.
Que veux-tu, il a été mal élevé. Lui c’est un fils de bourgeois, il voit le mal partout.
Si la jalousie est un des moteurs du film, une question surtout se dégage de l’histoire : quelle place réserve la société aux femmes, et quelles possibilités a une femme pour s’en sortir si elle n’endosse pas le rôle de mère au foyer ? Naked Kiss de Samuel Fuller posera la même question 17 ans plus tard. Les rôles homme / femme sont souvent une des thématiques que l’on peut dégager des films policiers (dans le film noir notamment, voir La Griffe du passé de Jacques Tourneur).
On a pas beaucoup d’instruction au départ mais on navigue dans toutes les eaux. On se frotte à des tas de gens. J’ai appris la gravure avec un faussaire, la comptabilité avec un escroc, y avait même un danseur mondain qui a voulu me donner des leçons de Tango, mais là, rien à faire, j’avais pas de dispositions.
Quai des Orfèvres possède de nombreuses scènes et des personnages récurrents du genre : le flic désabusé qui peut aller partout pour enquêter et qui se frotte à l’ensemble de la société ; le bon bourgeois qui est bien inséré et qui ne devrait pas avoir de problèmes et qui, quand il en a, s’effondre dans l’alcool ; la femme attirante avec cette scène où Dora fume sur son lit ; la femme qui en a bavé – je ne veux pas qu’ils te mettent en prison. Ils vous coupent les cheveux et il fait froid – mais qui le laisse à peine transparaître et tente de s’en sortir ou se résigne.
Je vous fait bien des excuses madame, mais on n’est pas les plus forts.
Le film est aussi un drame. Beaucoup de films policiers sont des drames, celui de la lutte des classes et de la condition féminine, celui de l’amour, et de l’amour il y en a partout dans Quai des Orfèvres, même si ces amours sont souvent déçues : Vous êtes un type dans mon genre, avec les femmes vous n’aurez jamais de chance dira l’inspecteur Antoine à Dora.