Les critiques allemands (Heinrich Henel) semblent faire la distinction entre le roman criminel (Kriminalroman) qui raconte l’histoire d’un crime et le roman de détective (Detektivroman) qui raconte l’histoire de la résolution d’un crime. Cette distinction pourrait bien se rapprocher de celle que nous faisons en France entre roman noir et roman d’enquête. Une piste que nous ne manquerons pas d’explorer durant notre excursion dans le polar allemand (Der Krimi).
Mais pour brouiller les pistes ou tout au moins pour montrer que dans la littérature policière les catégories sont particulièrement poreuses, nous parlerons aujourd’hui d’un roman policier allemand qui pourra rentrer dans les deux catégories citées ci-dessus, puisqu’il s’agit à la fois de l’histoire d’un crime (nous avons le point de vue de la criminelle) et de l’histoire de la résolution d’un crime (nous suivons aussi la policière chargée de l’enquête). Mais la forme n’est pas bâtie sur le modèle antagoniste (très méchant) / protagoniste (que le lecteur suit avidement). Ici les deux femmes sont toutes les deux des protagonistes.
Comme dans Columbo nous savons dès le début du roman qui est le coupable ; nous allons savoir pourquoi et apprendre comment. Aubergiste tu seras pendu plonge dans les rapports homme/femme et les rôles, les modes de pensée et de comportement que la société et l’individu distribuent. Il aurait eu toute sa place dans L’Indic n°6 qui parlait des rapports homme/femme dans le polar. Il semble par ailleurs que cette thématique soit assez récurrente dans le Krimi. Il y plane aussi une forte ambiance de village de campagne qui aurait dû le faire figurer dans L’Indic n°22.
Le roman a été publié en 1988 en Allemagne, un an avant la chute du mur de Berlin. Les problèmes évoqués sont toujours d’actualité, comme par exemple cette histoire de suicide dans la police.
Doris Gercke, Aubergiste, tu seras pendu, traduit de l’allemand par Marie Reygnier, Rivages/Noir, 2004