Pour alimenter la question du roman policier écrit du point de vue de la police, après Olivier Norek voici Hugo Boris avec… Police. Le roman possède une volonté morale intéressante : comment trois ordinaires policiers d’un commissariat vont affronter une reconduite à la frontière. Car ce travail n’est pas le leur mais celui des escorteurs de la COTEP. La donne a changé à cause d’un incendie au centre de rétention, où le lecteur entre brièvement en quelques sigles : OFPRA, CNDA, ASSFAM… Les histoires douloureuses des réfugiés et des sans-papiers sont à peine tenues à distance par des procédures.
Que devient l’individu quand il sert une institution ? Hugo Boris pose les cartes de son histoire et va à l’essentiel, avec une écriture plutôt sobre qui restitue bien le cas de conscience des trois policiers. Erik le chef de bord, Aristide le trublion et Virgine en plein dilemme moral car enceinte de son amant. Le livre, prometteur et agréable à lire, laisse un sentiment d’inachevé, le temps de mettre le doigt sur ces détails qui nous gênent : pourquoi faut-il que les scrupules arrivent à travers Virginie, plutôt femme en situation de faiblesse, et pas un simple flic ? Pourquoi le réfugié est un brave gars qui a subi la torture pour avoir dénoncé « des pratiques de travail forcé sur des chantiers de construction en Russie », et pas juste un gars qui fuit un pays moins connoté par rapport à l’Europe ? Le sentiment d’inachevé vient de cette sensation de tiédeur, qui voudrait être une radiographie exacte, mais finit par épargner tout le monde, sans rien de trop dérangeant pour le lecteur qui pourra s’apitoyer sur le sort de tous les personnages. Car après tout rien n’est facile pour personne, et vous pourrez poursuivre avec la cuisson de votre ragoût.
Caroline de Benedetti
Hugo Boris, Police, Grasset, 2016, 17,50 €, 198 p.