Entre comique et long dégueulis
Guerilla est un immense scénario catastrophe. Si chez vous l’animalité et le sens guerrier priment, sans doute serez vous séduits par ce roman, qui leur rend un hommage écœurant. Pourtant, il faut reconnaître que les 50 premières pages ont d’abord un effet comique. Nous voilà dans une France où les jeunes boivent du thé laotien, les manifestants veulent être « remplacés », les racistes sont dénoncés dans des courriers anonymes (« la terreur citoyenne ») et la foule « était femme, et la foule comme la femme n’aimait que ceux qui savaient lui mentir ». Même en étant d’accord avec les attaques du roman sur nos hommes politiques, les journalistes et la novlangue qui nous vend du vivre-ensemble comme des yaourts, l’auteur pousse tellement le curseur pour les ridiculiser que l’énormité saute aux yeux. Le président de la République s’appelle Jacques Chalarose, dans un mélange UMPS digne de la rose bleue de Marine Le Pen. Le livre, dédié « À ceux qui ont compris », flingue les « moralistes » et les oppose aux « réalistes ». L’urbanisme profite de quelques noms bien ciblés, comme la cité Taubira. Bien entendu, de nombreuses phrases reprennent l’air à la mode du refus des analyses sociologiques. Race et religion sont à l’honneur, bien plus exaltant que de questionner richesse et pauvreté. Il faut ajouter une défense de l’institution policière qui explique pourquoi le livre a été brandi dans la rue par des policiers manifestants. Dans Guerilla, Amnesty International leur reproche « des manquements civiques graves comme des formules de politesse négligées ». D’ailleurs, les policiers brimés par la pression populaire et l’IGPN ne sortent jamais leur arme et préfèrent mourir face aux terroristes, regardant d’un oeil dépité la France manifester en masse contre eux. Quant aux CRS, ils tabassent violemment les identitaires parisiens (« on les traita comme les anarchistes en Russie »… le potentiel comique !).
Les exemples ne manquent pas qui forment une longue liste caricaturale dans cette histoire où la France plonge en trois jours dans le chaos – avec un air de Walking Dead -, privée d’électricité, sous l’oeil des pays voisins qui laissent faire, avec 30 000 femmes violées dans Paris pendant que des hordes de terroristes parcourent les campagnes pour massacrer les habitants des villages en plantant le drapeau noir sur les églises… Tremblez ! Bien sûr, il s’agit d’une légère anticipation, soit, mais si le genre vous plaît je vous conseille plutôt, au hasard, Plan D de Simon Urban, avec des questions politiques d’un autre acabit. Ou encore Dawa, de Julien Suaudeau.
Que des lecteurs aient apprécié ce roman sans voir son orientation politique (dans le sens d’une réflexion sur la société et l’être humain), ou sans vouloir admettre partager ses idées, en dit beaucoup sur la misère de la pensée. Le roman noir demande des nuances, de la subtilité, quelle que soit son idéologie. Au son du « tous pourris » Guerilla est démagogique, un cri facile et sans qualités littéraires. Chez Vice, Romain Gonzalez a ressenti les mêmes choses et vous les expliquera encore autrement.
Laurent Obertone, Guerilla, Ring, 2016, 19,95 €, 415 p.
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