Le point de départ est simple : un store apparaît dans la chambre de Theo et irradie d’une lumière verte qui colore même les caractères du livre. Le store attire l’enfant et le fait basculer de l’autre côté. Et puis le temps passe et Theo devient adulte, mais il ne faut pas trop en dire de cette partie de l’aventure. Elle permet à l’auteur de traiter de nombreux sujets. On retrouve son questionnement sur l’art et l’esthétique, et son amour du cinéma, avec le vaisseau spatial qui s’appelle Malaparte, en référence notamment à la villa du Mépris de Godard.
Heinrich Steinfest renoue avec le meilleur de son univers, alliant originalité et sobriété. L’auteur traite à sa brillante façon l’idée d’un monde parallèle. Là où il nous emmène, d’étranges hommes ont des jumelles greffées aux yeux. Les repères changent, il faut donc adapter son point de vue, se décaler. Un pas de côté toujours important à faire, et une belle façon de voir la littérature.
Steinfest possède un grand sens de la description, qui emporte immédiatement le lecteur. « Mme Leflor se tenait à côté de l’animal, sans me bousculer, les doigts entrelacés sur le ventre formant comme un poing en train de prier, la tête légèrement inclinée sur le côté. On aurait dit qu’elle laissait pénétrer une crème de visage, ce qui prend toujours un certain temps. » Il suscite plaisir et émotion avec ce voyage et ses références (Le passe-muraille, pas pour rien…), dans un monde où l’imaginaire rappelle la réalité et la met en relief. « L’habitude des écoutes, si prégnante encore au début de ce siècle, appartenait au passé. On y avait renoncé. Pas pour des raisons morales, non, c’est juste qu’à un moment donné le système de contrôle s’était effondré (…) ».
Caroline de Benedetti
Heinrich Steinfest, Greenland, Carnets Nord, 2017, traduit de l’allemand par Corina Gepner, 288p., 20 €
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