Après Dedans ce sont des loups, Stéphane Jolibert confirme son goût pour des histoires d’individus qui, mis face à la violence des autres, vont se souder et se protéger. Dès le début, Déclic attrape le lecteur avec la cadence de deux récits. D’un côté le duo Madi/Momo évoque Des souris et des hommes. Deux jeunes de la petite galère… jusqu’à une plus grosse, sous la forme d’un encombrant paquet de fric trouvé par hasard. De l’autre côté, Léandre l’ouvrier, mari dominé par sa femme et méprisé par ses deux filles… jusqu’à une grosse enveloppe de fric dans sa boîte aux lettres. On récupère rarement un paquet d’argent sans un paquet d’emmerdes. Le roman va nous le prouver. Mis à l’épreuve, le duo prend la route et trouve refuge dans une ferme en bord de mer, et Léandre s’émancipe en bâtissant une nouvelle carrière.
À la fois frein et fantasme, l’argent modifie le comportement des personnages pour le meilleur ou pour le pire, par sa présence ou son absence. L’amitié entre Madi et Momo, empreinte d’innocence, a tout d’une grande richesse quand la solitude de Léandre l’oblige à changer de personnalité pour trouver le respect qui lui manque. Survient un troisième récit, celui de Théo le flic divorcé, sur les traces de l’argent et du crime. Sa quête professionnelle l’amènera comme il se doit à dépasser ses traumatismes.
L’auteur alterne entre la ville avec la domination de Léandre sur un territoire, et la campagne avec la complicité entre Madi, Momo, les deux femmes et une étonnante petite fille. Le décor joue un rôle à part entière dans l’attraction de l’histoire sur le lecteur. La fin, morale comme l’était celle de Dedans ce sont des loups, nous éclaire sur l’origine des mystérieuses enveloppes d’argent. Tenter de faire le bien pour mettre le monde sur un meilleur chemin ne produit pas toujours les effets attendus. Stéphane Jolibert possède un univers et un style bien à lui qui le placent dans les auteurs à suivre.
Caroline de Benedetti
Stéphane Jolibert, Déclic, Le Masque, 2017, 320 p., 19 €