Société de consommation industrielle et capitaliste, État sans pitié et jeunes perdus (presque nihilistes) voilà quelques pistes qui ne sont pas sans rappeler le nom de Jean-Patrick Manchette aux lecteurs de polars. Ajoutez à cela Zombie de Romero, une pincée de scènes de Dario Argento et de symboles, et vous plongerez dans Nocturama, le troisième long-métrage de Berrant Bonello.
Ces jeunes viennent d’horizons divers (fils de politique, gamin de quartier, science-po, chômeur de longue durée…). Ils ont un projet en commun : commettre une série d’attentats, en simultané dans Paris.
Le film utilise les flash-back et filme la même scène sous différents angles (à la manière de Stephen King qui, dans certains de ses livres, reprend une même action vue de différents endroits sur des pages et des pages) révélant ainsi plusieurs facettes du monde. Les quatre parties du film (mise en place de l’action, explosion, refuge, massacre) mélangent divers genres. Nous sommes à la fois dans le thriller, la comédie, le drame, le film d’épouvante, le jeu vidéo avec un bref mais poignant passage par la comédie musicale. Voir ensemble ces huit garçons et deux filles, à deux doigts de nous faire croire qu’il s’agit d’un film de post-ados en train de faire la fête, produit un effet de sidération et de malaise.
Chose intéressante à l’heure où le polar français se réclame du réalisme : le film de Bonello ne joue pas sur cette corde. Le film ne cherche pas à faire vrai, c’est une fiction, pas un docu-fiction. Il nous donne à voir (Bonello a tout de même un point de vue sur la société) dans le silence (le film comporte peu de dialogues) ; à nous de développer à partir de là ce qu’il y a à dire sur notre monde. Le constat qui est filmé est celui qui est cher au roman noir : la société de consommation industrielle et capitaliste est un échec et produit ses propres éléments destructeurs.
Nous parlions de Manchette en introduction, mais il y a aussi un peu de La Nuit des chats bottés de Fajardie qui traîne là…
Emeric Cloche