Journaliste, l’auteur bangladais Saad Z. Hossain obtient un petit succès avec ce premier roman, également traduit aux États-Unis. On le découvre ainsi dans cette vidéo du LA Review of books aux côtés de Mark Haskell Smith (traduit en France aux éditions Rivages).
À lire Bagdad, la grande évasion ! on se prend à penser à quelques folles histoires comme La bicyclette de Leonard de Taibo II, et à l’univers d’un Christopher Moore. Sans doute pour l’aspect religieux, l’irruption du fantastique, et la quête d’un objet qui a traversé l’histoire. L’action pure se mêle à la mythologie.
En partant du décor de Bagdad dans une après-guerre qui ressemble encore à la guerre, l’auteur peut déstabiliser le lecteur occidental peu habitué aux subtilités du pays, à différencier sunnites et chiites et comprendre qui sont les baasistes et les Druzes. À vrai dire, ça n’empêche en rien de saisir que plusieurs factions s’entretuent en dépit de leurs points communs et s’allient en dépit de leurs différences. L’association entre un tortionnaire du régime de Saddam, un professeur d’université et un militaire américain amoureux et inoubliable fait son effet. Les traumatismes des gens ordinaires transparaissent à travers des situations où l’absurde le dispute à la douleur. Un temps révolu se dessine au loin, mais les gravats et l’arbitraire sont devenus la norme. La violence règne sans être sordide et les saillies décalées d’un personnage en sont d’autant plus drôles. L’auteur a l’intelligence d’éviter le pathos, les dénonciations grandiloquentes et les héros monolithiques. Ses personnages échappent à tout contrôle, toute récupération et toute pression, atteignant une liberté qui met le pouvoir mal à l’aise. Bagdad, la grande évasion !, avec son style et son humour, reste comme une lecture qui fait plaisir.
« – Je suis très mal, là, maintenant, geignit Hoffman. Ce n’est pas juste. Qui irait empoisonner un étranger innocent ?
– Vraiment ? rétorqua Sabeen. Et qui inventerait des mensonges ridicules sur un pays au hasard, pour l’envahir, détruire ses institutions civiles, accuser tous ses citoyens de terrorisme, provoquer une guerre civile et prétendre ensuite que tout va bien ? »
Saad Z. Hossein, Bagdad, la grande évasion !, Agullo, 2017, 22 €, 373 p., traduit de l’anglais par Jean-François Le Ruyet.