Le suspense psychologique est un genre difficile à maîtriser. L’auteur qui dissèque la pensée d’un personnage se livre à un exercice casse-gueule, tant il peut tomber à côté de la plaque, à coup de trop de pathos ou de préoccupations qui ne parlent pas au lecteur.
Avec ce portrait de trois personnes réunies dans une maison de vacances, James Lasdun maîtrise le dosage. Le cadre est resserré : deux hommes, une femme. Charlie le riche banquier, son épouse Chloé, et son cousin Matthew cuisinier en mal de réussite. L’été s’annonce idyllique, et à mesure que l’histoire progresse l’amitié affichée entre les deux hommes laisse entrevoir rancune, culpabilité et faiblesse. Les sentiments qui animent les personnages sont universels. Les portraits s’affinent, les apparences basculent et les faux-semblants apparaissent. Tour de force : cette histoire captive non pas grâce à l’empathie avec les personnages (tous sont désagréables), mais grâce à l’exposé progressif et minutieux de leur fonctionnement. L’ambiance vire au malaise, la tension monte et à mesure que l’été passe, l’arrivée du drame est perceptible.
Encore un de ces livres dont “on ne peut s’empêcher de tourner les pages, jusqu’à une incroyable conclusion” ? Eh bien, pour une fois, figurez-vous que c’est vrai ! Joyce Carol Oates.
Eh bien, pour une fois, figurez-vous que la bafouille de l’auteur-célèbre-qui-vend-le-livre est justifiée.
Caroline de Benedetti
James Lasdun, La Chambre d’ami, Sonatine, 2017, 288 p., 19 €, traduit de l’anglais par Claude et Jean Demanuelli.
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