Les romans de Michel Bussi ne sont pas ma tasse de thé. J’avais bien essayé Un avion sans elle mais l’écriture, l’histoire et les rebondissements m’ont semblé au ras des pâquerettes. Nouvelle tentative avec On la trouvait plutôt jolie, et… surprise. Si l’auteur se signale toujours par une écriture alourdie, surjouant les sentiments et descriptions pour augmenter l’émotion (« Adil esquissa un geste d’impatience, son visage se déforma en une grimace sadique que les flammes devaient rendre satanique »), l’histoire interpelle.
« Les travailleurs étrangers comme elle étaient isolés. Se levaient tôt. Rentraient tard. Erraient dans les bureaux déserts. S’enfermaient dans le silence des premiers et deniers RER. Avaient d’autres soucis que de philosopher. Si éloignés, pensa Leyli, des damnés de la terre de ses romans préférés, de Zola ou de Steinbeck, se serrant les coudes, se syndiquant, défilant dans les rues. Aujourd’hui, les travailleurs immigrés formaient une internationale éclatée. »
Sur le terrain de la description de la vie et des rêves des immigrés, à travers la malienne Leyli installée à Port de Bouc, Michel Bussi surprend. Il évoque l’Histoire, la suppression des frontières, le devoir d’asile sacrifié, l’hypocrisie des États, le business pseudo-humanitaire et le rôle de Frontex. Il s’inscrit dans une tradition sociale, alliant un certain réalisme au farfelu et au magique, racontant de façon émouvante comment l’enfant Leyli a grandi et réussi à venir en France. Comme des êtres humains en exploitent d’autres. Le personnage du gérant de l’hôtel Ibis amène un touche de légèreté qui compense la dureté du propos. Olivier Norek traite de ceux qui fuient la guerre, gentils réfugiés qui suscitent plus facilement l’empathie. Michel Bussi prend plus de risque en racontant ceux qui quittent leur pays parce qu’ils ont faim ou veulent simplement un autre monde, eux « les méchants migrants », qui viennent voler le travail des braves français, selon certains. Et puis… le thriller reprend le dessus, le mystère entretenu sur le trésor de Leyli paraît bien artificiel, les quelques éléments dissimulés par l’auteur sont une manoeuvre grossière, tout comme la raison pour laquelle des hommes sont assassinés dans des love hotel. Reste un final désenchanté, pour un roman populaire qui dans sa catégorie s’en tire plutôt bien.
« Trois ans tout en travaillant, en payant des impôts, en justifiant d’un loyer. Ça peut sembler ubuesque, Ruben, mais ce sont les règles du jeu. Les sans-papiers, en réalité, les collectionnent, les additionnent. Comme des points de fidélité. (…) J’acceptais même de travailler pour rien, rien que pour un bout de papier. J’ai fini par comprendre que c’était pour cela que l’État nous laissait tranquilles, nous les invisibles. On cotise, on consomme, on se plie à tous les devoirs comme les autres citoyens ; sans réclamer le moindre droit. »
Caroline de Benedetti
Michel Bussi, On la trouvait plutôt jolie, Presses de la cité, 2017, 21,90 €, 462 p.