Voilà un polar australien qui, mise à part la présence du bush, pourrait s’imaginer partout ailleurs avec son tandem de flics, son truand sadique mais sensible, et ses rebuts dégénérés dans leur caravane. Eden fait partie de ces romans étranges, dont les ficelles sautent aux yeux, qui empruntent des chemins usés, mais réussissent à rendre compte d’une certaine violence. Il est question de celle faite aux enfants, les « chats sauvages » recueillis par Ours, et de celle des adultes plein de haine et de vengeance. L’écriture a les mêmes travers que l’histoire et se révèle tour à tour basique et traversée d’images qui font mouche.
« Dans ses yeux, il y avait du béton, de l’acier et des nuages d’orage, le gris de temps difficiles endurés en silence. Il me rappelait mon père – et quand cette pensée me vint, je la chassai physiquement de ma tête en la secouant et en détournant les yeux. »
Dans une interview au Guardian en septembre 2017, Candice Fox dit que les vrais crimes sont une grande source d’inspiration, mais que les criminels sont eux bien moins intéressants que leur crimes brutaux et fascinants. Eden illustre bien sa pensée. Les différents personnages sont conçus pour leur côté attractif et ambivalents. Ils sont poussés à l’extrême, à peine croyables, mais Eden se veut-il vraiment crédible ? Le roman questionne la possibilité de sortir de la violence, à travers le personnage d’Heinrich enfant et futur truand, à travers Eden gamine élevée dans la violence et qui devient flic pour accomplir sa vengeance, ou encore la gamine Skylar dont on voudrait préserver l’innocence. Les femmes morflent, et un homme parmi elles tentent de leur rendre justice : Frank le flic perdu entre son amie assassinée, sa psy attirante et sa collègue dérangeante.
Deuxième roman de Candice Fox (publié seulement 8 mois après le premier, Hadès), Eden ne fait pas partie de ces livres inoubliables et subtils, mais il donne envie de suivre ce que l’auteure commettra par la suite. Elle arrive en 2018 sous le titre Fall…
Caroline de Benedetti
Candice Fox, Eden, Michel Lafon, 2017, traduit de l’anglais par Isabelle Troin, 19,95 €, 476 p.