Jo Walton est une auteure de science-fiction et de fantasy d’origine Galloise. Les griffes et les crocs est son sixième roman publié aux éditions Denoël.
À sa mort le Digne Bon Argonin lègue toute ses richesses à ses trois plus jeunes enfants, les deux ainés ayant déjà bénéficié de son aide. En revanche, personne ne sait si « ses richesses » incluent son corps ; la tradition étant que les descendants mangent le défunt. L’illustre Daverak, grand seigneur et mari de la fille ainée s’octroie ainsi, pour lui et sa famille la plus grande part du cadavre, ne laissant aux autres enfants de Bon Argonin que quelques restes.
Si tout ça vous paraît pour le moins étrange, c’est normal. Sachez que tous les personnages de ce roman sont des dragons.
Dans ce monde, où les intrigues sentimentales sont nombreuses, la société est dirigée par une classe dominante de dragons. Les seigneurs peuvent dévorer les enfants de leurs domestiques. Les esclaves ont les ailes nouées par des liens et n’ont pas le droit de voler. Les femelles n’ont pas de griffes (mais des mains) et ne peuvent pas cracher de feu. De plus, leurs écailles d’or deviennent roses lorsqu’elles tombent amoureuses (ce qui peut s’avérer extrêmement gênant). Pourtant dans cet univers patriarcal, seules les dragonelles savent écrire, et semblent capables de faire évoluer la société.
Jo walton explique avoir grandi en lisant des romans victoriens. Les Griffes et les crocs reprend certains critères de ce mouvement littéraire et les pousse à leur paroxysme pour donner un roman étonnant, à la fois romantique et très sombre, entre le pastiche et la satire. Les thématiques abordées (féminisme, lutte des classes) contrebalancent l’aspect romance sentimentale un peu guimauve qui peut faire peur au début de la lecture. Nul besoin de connaitre la littérature victorienne pour apprécier le livre. En revanche, Les Griffes et les crocs risque de décevoir les amateurs de fantasy bourrin, mais pourrait séduire un plus grand cercle de lecteurs.
Jean-Marie Garniel
Jo Walton, Les griffes et les crocs, Denoël Lune d’encre, traduit de l’anglais (Pays de Galles) par Florence Dolisi, 416 p.