Le souvenir et la perte, la disparition et l’abandon, sont des marottes de Patrick Modiano. Remise de Peine s’ouvre sur l’évocation d’un temps qui n’existe plus. La sensation provoquée à la lecture du premier chapitre rappelle les univers décrits (d’une autre manière) par Georges Simenon.
Pour évoquer les souvenirs Modiano fait souvent appel à des photos ou à de vieux documents (journaux, publicités, revues…), c’est aussi une quatre-chevaux beige, ou avec une situation géopolitique plantée en une phrase à la fois exotique et nostalgique : « C’était à l’époque où les tournées théâtrales ne parcouraient pas seulement la France, la Suisse et le Belgique, mais aussi l’Afrique du Nord ». Et très vite le lecteur plonge dans un temps où l’école est communale.
Nous avons déjà parlé de deux romans de Patrick Modiano en rapport avec le polar, vous croiserez ici les mystères des premiers romans policiers et d’aventure évoqués avec le château abandonné que les enfants veulent visiter la nuit. Par les livres aussi avec un titre de la Série Noire.
Dans un autre style avec moins d’humour, le roman de Modiano peut se rapprocher du Fantasia chez les ploucs de Charles Williams. Dans les deux cas des activités louches sont décrites à travers les yeux d’un enfant qui ne comprend pas tous les enjeux.
Les situations, les lieux et les personnages de Remise de peine feront surgir le souvenir brumeux de ceux de Pour pas que tu te perdes dans le quartier et vice-versa ; là, encore une fois, s’il y a des énigmes, l’auteur ne les résoudra pas forcément mais les pièces d’un puzzle se mettent en place d’un livre à l’autre. Un peu comme – dans un tout autre style – chez Faulkner.
Emeric Cloche.
Patrick Modiano, Remise de peine, édition Seuil, 1988 puis points poche 2013, 7,10 Euros, 118 p.