Dans un coin indéfini de l’Amérique des années 80, douze orphelins ayant perdu leurs parents lors d’un événement cataclysmique se retrouvent pris en charge par un étrange bibliothécaire. Celui qui devient dès lors le Père va modeler sa toute nouvelle progéniture à l’aide des catalogues d’une bibliothèque très personnelle, et en s’appuyant sur les ressources pédagogiques offertes par la terreur, la cruauté et le culte du secret. Les années passent et sous le regard inquisiteur de son terrible tuteur, la fratrie de fortune grandit dans la douleur et la division, chaque membre gardant jalousement les secrets de son catalogue, jusqu’au jour où Père disparaît. Peut-être est-il mort ? Loin de constituer un simple soulagement, cette absence marque le début d’une période de folie et de violence durant laquelle la bibliothèque et l’univers risquent bien de s’effondrer.
Construit sur un schéma narratif proche de celui des séries TV actuelles, ce premier livre de Scott Hawkins offre une galerie de personnages éclatants et étranges, parfois drôles, partis à la recherche d’une humanité ordinaire perdue. L’écriture claire et minutieuse trimbale la lectrice et le lecteur dans une sombre épopée qui n’est pas sans rappeler American gods et Anansi Boys de Neil Gaiman, parfois teinté du soupçon d’humour décalé qu’on retrouve dans l’œuvre de Douglas Adams.
Loin d’une ambiance horrifique, La Bibliothèque de Mount Char propose un récit à la tonalité plus claire-obscure que noir profond, dans lequel des êtres ordinaires mais étrangers au monde se retrouvent aux prises avec le monstrueux et le divin. Sans être exempt de défauts – au premier rang desquels figurent les trop nombreux placements de produits, autre point commun avec les séries TV actuelles –, ce premier livre truffé de pépites scénaristiques et riche en ambiances fortes et efficacement posées laisse augurer le meilleur pour le jeune auteur qu’est Scott Hawkins, et pour ses lectrices et lecteurs.
Olivier Merly
Hawkins Scott, La Bibliothèque de Mount Char, traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque, éditions Denoël/Lunes d’Encre, 2017, 478 p.