Le masque et la plume
Quand la littérature parle de la littérature il y a parfois de quoi se régaler. On pensera au récent Le polar de l’été de Luc Chomarat. À L’affaire Jane Eyre de Jasper Fforde. Ajoutons-y Frédéric Ciriez, qui allie l’humour et le drame, la tendresse et les coups de griffe. Bettie Book se lit d’une main, parce que l’autre est occupée à faire ces grands gestes qui accompagnent les éclats de rire.
Chacun saluera les références qui lui plaisent, du magazine Détective que Stéphane trimbale partout, tel le Lukastik de Steinfest avec son Wittgenstein toujours dans la poche, aux Coups de Jean Meckert. « Voilà, c’est la lutte des classes, moi et les miens on a perdu, mais la littérature va se venger… » L’agrégation d’une succession de petites chroniques, de considérations, d’aphorismes, de perles de l’Almanach Vermot, fait un roman. Parce qu’il y a Bettie et Stéphane, la belle et la bête, la booktubeuse et le critique littéraire, la 2.0 et le gratte papier. You Tube, Instagram et Facebook, Le Monde des Livres et La Grande Librairie. Deux mondes qui se tournent autour, s’indiffèrent et se jalousent. Pas besoin d’être un mondain du milieu littéraire pour apprécier Bettie Book (ça n’est qu’un plus, comme pour apprécier la fausse lettre de Claro).
Bettie Book c’est une maîtrise narrative, un récit et une écriture toujours en mouvement, à l’image de ces documents administratifs, pv d’audition, extraits de journaux, qui finissent de nous raconter l’histoire de Betty et Stéphane, l’ancien et le nouveau monde. Ils vivent une histoire d’amour impossible de laquelle l’amour des livres semble très absent, absorbés qu’ils sont par leur image et leur ego. Pris entre le masque et la plume, le lecteur savoure ce mélange d’intelligence et de légèreté. Aucune liseuse n’apparaît dans ces pages, on y verra peut-être un indice…
Caroline de Benedetti
Frédéric Ciriez, Bettie Book, Verticales, 2018, 192 p., 18,50 €