La disparition du corps d’une jeune suicidée projette le lecteur dans un petit village du Centre de la France, avec ses habitants, son usine et le progrès en marche. Comment on fait avec le progrès et les autres, quand on ne trouve pas sa place, quand on aimerait prendre une autre voie ?
« Le cadavre disparut la même nuit que les bêtes. »
Après le superbe Recluses, dans un roman à l’écriture plus sobre que Clouer l’Ouest, Séverine Chevalier déroule une ode aux mauvaises herbes. À ceux qui poussent de travers, enterrent des livres pour semer des mots, refusent l’enfermement, à ces êtres rares, qui « avaient le mérite de ne pas ratifier l’ordre et la tenue des choses ». Car il leur en coûte, à ceux qui prennent ce chemin que les hommes ne comprennent pas.
Enfants et adultes, hommes et femmes, tous se dévoilent et changent après le suicide d’une jeune fille. Autour d’eux la nature fait comme un autre personnage, la silhouette du pont, les arbres abattus que les enfants tentent de protéger de bouts de ficelles illusoires, le lac dans lequel certains nagent la nuit avant de devenir un couple gagné par le silence.
Tous seront marqués par l’été de l’année 1988 qui changera des vies mais pas la marche du monde. Séverine Chevalier décrit subtilement ces trajectoires, des années 80 aux années 2000 dans un roman entre espoir et tristesse.
Caroline de Benedetti
Séverine Chevalier, Les mauvaises, La Manufacture de Livres, 2018, 18,50 €, 207 p.