Un effet notable se produit en commençant la lecture de Ma dévotion. La force du ton et le dynamisme du récit donnent envie de ne plus en décrocher. Le fait que le personnage principal se dévoile à la première personne, nous apprenant que la narratrice à 80 ans et va nous raconter sa vie, n’y est pas pour rien. Helen a grandi dans les années 60, être de peu d’exception aux yeux de ses parents mais dotée d’une force de caractère propre à plaire au lecteur. Son regard acéré sur les règles sociales et la figure du couple nous interpellent sur notre propre perception de ces enjeux. Dans l’enfance d’Helen on ne pose pas de questions gênantes, notamment à son ambassadeur de père, « on lui tendait la pince à sucre une fois par jour, à l’heure du thé, et c’était à peu près tout. »
Son amour des livres est un refuge et la rencontre avec un autre enfant, Frank, va marquer tout son chemin de vie. Entre amitié et amour ces deux-là ne s’éloigneront jamais beaucoup. Leur relation met en relief l’idée qu’on se fait de l’amour, de la vie à deux. Les sentiments sont-ils toujours réciproques ? Helen si dévouée laisse entrevoir une part importante d’égoïsme et de vie par procuration dans son attachement à Frank, devenu peintre célèbre. Lui possède une sensibilité artistique qui semble se faire au détriment de toute empathie envers l’humain. Comment s’entendre, alors ? Les personnages qui nous sont a priori sympathiques le sont-ils vraiment ? C’est ainsi que le quiproquo et le drame guettent. Helen nous l’indique dès le début de cette histoire, une mort va se produire, tout consiste à comprendre les causes qui y mènent.
Malheureusement le drame final tombe un peu à plat, sans doute parce qu’un des protagonistes nous est resté assez étranger tout au long de l’histoire. Mais il est impossible d’en dire plus… Hormis ce bémol, Ma dévotion est un beau roman qui rappelle la tension et la précision des univers de Margaret Atwood et Laura Kasischke.
Julia Kerninon, Ma dévotion, La Brune/Rouergue, 2018, 20 €, 299 p.