Voilà un opus à part dans ce qu’on peut appeler, après plus d’une dizaine de romans, l’œuvre de Marin Ledun. Si l’auteur a toujours diversifié ses sujets et la façon de les traiter, tâtant même du genre SF avec Zone Est, l’humour n’était pas sa caractéristique principale. Ici, c’est frontal !
Dès les premières lignes, à base d’un ton vif et rythmé, vous sentez ce petit quelque chose qui fait avancer l’histoire à toute vitesse. Celle d’une famille atypique, entre enfants naturels, adoptés, et animaux en pagaille. Le tout mené par une mère charismatique. Les dialogues fusent et les répliques aussi. Il flotte un air de joute verbale, de musique métal, mais aussi d’hommage à la littérature et la poésie.
Ceux qui connaissent l’incroyable rendez-vous des Nuits Noires à Aubusson percevront sans doute ce que ce roman doit à la liberté et la folie de cette soirée, qui invite les auteurs à sortir des sentiers battus. À faire un petit écart littéraire, du nom de cette belle collection dans laquelle, d’ailleurs, Marin Ledun est annoncé.
« Ferdinand est végétarien depuis qu’il a vécu deux ans avec une végane, une sorte de compromis avec sa petite amie précédente qui était alsacienne. »
Les romans de Marin Ledun ont toujours parlé de la pression sociale, du pouvoir de l’État, que ce soit en abordant la souffrance au travail, le terrorisme basque, le suicide, les nouvelles technologies, les villages ou la ville… Et toujours, il y est question de choisir quoi faire de sa vie. Ici l’ode à la liberté transparaît à travers chaque personnage, et le roman fourmille de petites trouvailles, jusqu’à la narratrice de 21 ans, lectrice pour ces dames dans un salon de coiffure. Le plaisir de l’auteur est palpable, il rejaillit sur le lecteur et sur son écriture, radicalement différente. Voilà un roman drôle mais pas que… plus qu’un polar… n’en rajoutons pas dans les clichés de la critique, allez on craque : haletant !
Caroline de Benedetti
Marin Ledun, Salut à toi ô mon frère, Gallimard/Série Noire, 2018, 19 €, 288 p.