Écrire l’altérité
Penguin Highway, film en compétition
Courts-métrages Session 2
Les réseaux, nouveaux organes de démocratie ?
À 18h scène SHAYOL, on parle société, démocratie et réseaux sociaux : les démocraties changent avec les réseaux car les gens sont, aujourd’hui, interpellés et intéressés par des informations (subies ? filtrées ? fake news) ce qui les amène à « voter » tous les jours via ces plateformes et oriente les décisions des politiques, via des buzz aussi gros qu’éphémères. Deux exemples, le premier, plutôt positif, est la campagne #paiestonauteur qui a permis la rémunération des auteurs invités au Salon du Livre de Paris; le second, moins glorieux, est le retrait des bacs d’une BD sur la sexualité des adolescentes, jugées de mauvais goût par certains internautes. Ces buzz sont qualifiés de tempêtes émotionnelles qui ne discutent jamais du fond des problèmes. D’ailleurs les outils (facebook, twitter, etc.) ne le permettent pas. Ces réseaux sociaux, remarque Christopher Priest, de par leur aspect écrit, amènent un nivellement des avis : toutes les voix ont la même valeur, il y a une disparition des élites intellectuelles, des expertises professionnelles. Mais toutes ces plateformes sont des entreprises capitalistes qui, aujourd’hui, influencent les opinions, même si dans certains pays, elles sont surveillées et/ou contrôlées car celui qui contrôlera les réseaux sociaux contrôlera les gouvernements. La discussion s’achève sur les perspectives positives comme Framasoft. Oui, des réactions existent pour défendre un web libre. Mais il ne faut pas oublier que le capitalisme a une capacité à récupérer le révolte. Il faut un combat permanent du citoyen. Un débat intéressant qu’on aurait bien aimé prolonger.
The Worlds of Ursula K. Le Guin, de Arwen Curry
Le documentaire consacré à l’auteure américaine Ursula K. Le Guin, décédée en janvier 2018, a la particularité d’avoir été financé par une opération de crowdfunding. Le film revient sur les débuts de celle qui débarque dans les années 60 et va marquer plusieurs générations. À l’écran Neil Gaiman, David Mitchell, Margaret Atwood et d’autres témoignent de son importance et de son influence.
Le film suit la chronologie des romans et la façon dont Ursula K. Le Guin a évolué avec eux. Son univers s’expose, de la création du monde de Terremer et la mise en place d’une école de sorcier, bien avant Harry Potter. Des extraits sont lus et superbement animés par Em Cooper et Molly Schwartz.
Des entretiens avec l’auteure explorent ses doutes et ses réflexions. Elle s’interroge sur le féminisme, sur la violence, sur l’anarchisme et semble toujours prête à remettre en question sa façon d’aborder les thèmes qui fondent son oeuvre. Ainsi, elle avoue avoir été incapable à ses débuts d’imaginer un personnage de sorcier autrement que masculin.
Un éclairage est donné sur sa personne à travers l’histoire familiale, avec la participation de son mari et de ses enfants. Mais il y a aussi l’importance de ses parents, un père anthropologue, et sa mère qui a publié un livre basé sur le travail de ce dernier. Le film s’achève sur le discours prononcé lors de la cérémonie de remise du National Book Award, dans lequel elle n’hésite pas à attaquer le capitalisme en montrant un courage et un engagement intacts. Tout cela nous offre un beau moment d’intelligence.
La séance a été présentée par Elisabeth Vonarburg et Jeanne A. Debats. Cette dernière rappelle l’inquiétude de l’auteure sur la place des femmes dans la littérature, et combien cette inquiétude est justifiée à l’heure où un magazine sort un hors-série sur la science-fiction avec uniquement des hommes en couverture.
Momies, fossiles et thanatopraxie
Qu’est-ce que la thanatopraxie ? Steven Erikson, archéologue et auteur du Livre des Martyrs, Karim Si-Tayeb (chercheur) et Jean-Sébastien Steyer (paléontologue au CNRS de Paris), sous la modération de Simon Bréan, ont expliqué plusieurs techniques relatives à leurs professions afin de nous éclaircir sur cet artisanat de la mort. Certaines formes de vie résistent au processus de momification, comme les insectes. Quant aux objets du passé, permettent-ils de réinjecter le corps dans le réel ? La première étape de ce débat visait à comprendre quels types d’informations ces corps peuvent nous révéler sur le passé. La seconde se voulait plus spéculative en imaginant que les techniques du passé nous permettraient d’interpréter les méthodes du futur.
La nature permet la conservation de la mort grâce à la fossilisation. Jean-Sébastien Steyer a ainsi évoqué l’exemple des dinosaures dont le corps est d’abord étalé sur le sol, ensuite grignoté et souvent transporté (par une rivière, …), mais la probabilité pour qu’une dépouille soit ensevelie est rare. Dans la suite du processus, la matière organique part dans le sol et la matière minérale remplace la matière organique.
L’ADN est évoqué pour toutes les possibilités qu’il offre. Autre avancée : la cryogénisation, un des moyens artificiels de préservation malgré la destruction occasionnée aux tissus si elle n’est pas réalisée rapidement. Le formol aujourd’hui remplacé par de l’alcool est également une technique de conservation. Simon Bréan demande s’il est possible de faire revenir des êtres et que peut-on faire revenir ? Principalement les mammouths et les éléphants, les animaux issus des régions les plus froides. En ce qui concerne les dinosaures que beaucoup d’entre nous souhaiteraient voir revivre, il n’y aucune certitude quant à leur subsistance dans notre atmosphère, qui a énormément évoluée depuis leur extinction.
Dans Jurassic Park de Michael Crichton, les généticiens décident de compléter les séquences d’ADN manquantes avec de l’ADN de grenouille, une manipulation génétique qui relève de la science fiction. En revanche, les oiseaux sont des « dinosaures à plumes » révèle Jean-Sébastien Steyer. Il évoque le projet Chickenosaurus de son collègue Jack Corner, aux USA. Ce programme vise à réactiver les gênes ancestraux des oiseaux.
La désexhumation fait malgré tout face à des questions d’éthique. « Pourquoi ? » demande une personne du public. « Quel intérêt de ramener des espèces à la vie si nous pouvons étudier les traces qu’elles ont laissé derrière elles ? » Les scientifiques répondent qu’il y a un challenge à l’idée de repousser les limites de la science. Leurs échecs leur permettent aussi de découvrir d’autres phénomènes. Ils soulignent qu’il faut faire attention car malgré ce challenge, où mettrons-nous ces espèces réintroduites dans la nature ? L’Homme de Neandertal ressuscité finira-t-il dans un zoo dédié à son espèce ?
Justine Vaillant (Ecrire l’altérité, Penguin Highway)
Emeric Cloche (courts-métrages)
Caroline de Benedetti (The worlds of Ursula K. Le Guin)
Geoffroy Domangeau (Les réseaux)
Maëlla Olive (Momies)