John Scalzi commence à être publié en 2005, et il est prolifique ! On compte notamment 6 ouvrages dans son cycle « Le vieil homme et la guerre ». En 2014 il écrit Les enfermés, et en 2018 sa suite, Prise de tête.
La science-fiction pose souvent la question du genre et de l’identité, et par ricochet celle du corps. La dernière édition des Utopiales en avait fait son thème (ce n’est pas pour rien que Scalzi y était invité, et que j’y ai acheté ce roman).
Le corps augmenté est un corps doté d’équipement mécaniques lui permettant de surmonter handicap, accident, amputation, maladie. Prothèses et implants mènent l’Homme vers le transhumanisme. L’Homme technologiquement modifié peut évoluer vers plus de capacités, avec une alternative inverse, qui serait de faire un Homme a minima, un corps fonctionnel exploitable pour les basses besognes. Un esclavage moderne, déjà pensé par Huxley. Chez d’autres, l’homme finit asservi par la machine.
Au milieu de toutes ces questions, Les enfermés montre des hommes et des femmes prisonniers de leur corps suite à une nouvelle forme de grippe. Seul remède : relier l’esprit à un androïde, un cispé (en hommage à 6PO) qui évolue dans le monde physique. L’enfermé incarne alors une nouvelle espèce, l’esprit détaché du corps : les Haden. Le roman commence avec l’assassinat d’intégrés, ces humains tombés eux aussi malades, mais ayant guéri et gardé la capacité d’accueillir l’esprit des enfermés.
À la tête de l’enquête un duo du FBI : le nouveau venu, Shane, célèbre Haden tombé malade dans l’enfance et fils d’un richissime homme d’affaire. Sa coéquipière Vann est une ancienne intégratrice. À eux deux, ils ont à faire à tout ce que l’Amérique compte de puissants impliqués dans le débat sur la gestion des enfermés. L’industrie convoite ce marché fructueux, jusque-là contrôlé par l’État. De leur côté, les Hadens s’opposent sur leur avenir. Une partie d’entre eux est menée par Cassandra Bell, née enfermée dans l’utérus maternel. Pour elle, il n’est pas question de « guérir » et de retrouver les limites d’un corps organique.
Le lecteur suit avec un immense plaisir cette enquête, qui a tout d’un classique du polar, augmenté de ce fabuleux univers parsemé d’humour, de situations cocasses (Shane se retrouve dans le corps d’un cispé en fauteuil roulant) et inattendues (la possibilité de spammer le logiciel des Haden), et de nombreuses questions et réflexions philosophiques.
Caroline de Benedetti
À lire du même auteur : Le vieil homme et la guerre, La controverse de Zara XXIII, Les brigades fantômes
John Scalzi, Les enfermés, L’Atalante, 2016, traduit par Mikael Cabon, 21,90 €, 384 p.
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