Le rap dessine une longue généalogie de références qui vont puiser loin, très loin, jusque dans le blues pour les productions US (sur le sujet lire Dirty South Rap d’Ace Atkins). En France les ramifications ne sont pas tout à fait les mêmes, mais elles viennent du même milieu : les banlieues, la rue. Seth Gueko, influencé par la communauté des gens du voyage, emprunte tout un vocabulaire aux gitans, aux forains et à l’argot parisien, citant abondamment Michel Audiard.
Les références au grand banditisme (avec Mesrine ou Spaggiari, le proxénétisme avec Dodo la Saumure) sont mélangées aux gangsters du cinéma américain (Heat, Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Scarface, Casino…). Les criminels médiatiques français ne sont pas en reste avec Emile Louis, Redouane Faïd, Michel Fourniret, Guy Georges, Francis Heaulme… ils se mélangent aux actrices et acteurs de films pornographiques Ovidie, Clara Morgane ou l’incontournable Rocco Siffredi. Dans un rap de Seth Gecko Mallaury Nataf (Le miel et les abeilles), les bêtises de Cambrai ou Leroy Merlin peuvent surgir au détour d’une phrase.
C’est toute une culture populaire empreinte de crimes et de délits qui s’étale dans les raps comme dans les chansons réalistes françaises chantées par Fréhel, Mistinguett, Piaf, Berth Sylva et cie. Un héritage beaucoup moins revendiqué mais pourtant évident. Côté musique et production… tendez l’oreille vous pourrez entendre des extraits de Sister Of Mercy, Yann Tiersen ou Gérard Lenorman voire d’Alain Chamfort. Mais la chose la plus prépondérante, le goût amer qui reste en bouche, c’est l’angle de vue qu’empruntent les chansons. Passés les gros bras, le cul et quelques clichés cabochards du genre il reste le noir, un noir profond et intense… celui du polar.
Emeric Cloche.