La presse offre son lot de faits divers tragiques. Certains marquent les esprits, à l’image des mères infanticides ou de celles enfermées dans le déni de grossesse. Ces actes vont à l’encontre de l’image d’Epinal de la femme épanouie dans la maternité, et accomplie dans son rôle de mère.
La littérature s’inspire souvent des faits divers, le roman policier tout particulièrement, en bon héritier des récits que la presse fait de ces drames ordinaires. Depuis son premier roman, Alabama Shooting, John N. Turner puise dans le réel avec ses petites et grandes histoires. Il raconte ici la vie tragique d’Isabelle Lelièvre. Pourquoi ? Parce que sa mort fait la une des journaux. Le roman permet de découvrir sa personnalité à travers les témoignages des proches et du voisinage. Enfant discrète, ignorée par sa mère, ou petite dernière chouchoutée ? Etait-elle vraiment si insignifiante et anodine, cette gamine de la campagne ? Son mari, sa soeur, sa copine d’école « à la vie à la mort », la nounou et tant d’autres nous parlent d’eux autant qu’ils en disent sur elle.
« Elle regardait passer les étapes de sa vie, comme une vache les trains dans un pré. »
John N.Turner construit une courte histoire proche de l’enquête journalistique, instillant une sensation de réel dans une pure fiction. Il met le lecteur sur le chemin de la compréhension (mais pas de la vérité) du contraste entre une femme banale et son image monstrueuse produite par le bruit médiatique sous notre regard effaré. Ce qui à la fin ne règle pas la question éternelle : « comment est-ce possible » ?
Caroline de Benedetti
John N. Turner, Ephé[mère], 2019, éditions de L’Aube, 17,90 euros, 192 p.