Paru en 1995 en Allemagne, traduit en 1998 en France par les éditions L’Atalante, Des milliards de tapis de cheveux fait figure de classique de la science-fiction. Tout a probablement été dit sur ce texte très émouvant et métaphorique, mais sans doute largement méconnu en dehors du cercle des amateurs de genre.
Tout commence à la façon d’un récit médieval nous introduisant dans la vie d’une cité dont l’activité tourne autour des tisseurs, ces hommes à la vie étrangement conditionnée par leur activité : un seul fils par famille, un seul ouvrage par vie, mais plusieurs femmes si besoin, de préférence dotées de cheveux somptueux pour réaliser le plus beau des tapis.
Le temps de comprendre ce cadre et ses implications, le lecteur est propulsé dans l’espace pour découvrir l’Empire et l’incroyale destinée des tapis patiemment confectionnés par les nombreuses planètes de plusieurs galaxies. Qui dit Empire dit Empereur, rebelles et révolution. La politique occupe une place aussi importante que la foi dans ce roman dont la construction épate autant que son contenu. Les chapitres forment des petites nouvelles et suivent de nombreux personnages, éphémères ou récurrents. Le collecteur d’impôts, le maître flutiste, le pilote ou encore l’archiviste sont autant de voix permettant la compréhension d’un monde à des années lumières du nôtre, mais à bien y réfléchir, est-il si différent ?
Andreas Eschbach suspend le lecteur au souffle de son récit, certains y retrouveront parfois les sensations de La horde du Contrevent (les rebelles sont d’ailleurs organisés au sein du « Vent silencieux »). Et que dire de cette fin, lorsqu’apparaît la raison de l’incroyable situation vécue par des femmes et des hommes asservis. Il faut lire Des milliards de tapis de cheveux, c’est un roman dont la force séduira tout lecteur amateur d’épopée, de sensations et de décors fabuleux.
Caroline de Benedetti
Andreas Eschbach, Des milliards de tapis de cheveux, 2016, L’Atalante/La dentelle du cygne, traduit de l’allemand par Claire Duval, 320 p., 22 euros