Au début, quelque chose dans l’écriture heurte la lecture, une surdose de « être » et « avoir », des descriptions fonctionnelles en décalage avec des envolées poétiques.
Tom est le jeune narrateur du Sourire du scorpion, de Patrice Gain. A travers son regard, on découvre sa soeur jumelle Luna, ses parents, leur copain Goran, et la chienne Dobby. Cette famille atypique vit dans un camion de cirque rouge et sillonne les routes, de boulot saisonnier en boulot saisonnier. L’école n’étant pas obligatoire, l’instruction se fait maison (enfin, camion).
L’immersion dans le petit groupe a lieu lors d’une descente de canyon, une simple excursion au milieu de la tumultueuse rivière. Mily, la mère, angoisse. Goran et le père plaisantent en évoquant le banjo de Délivrance. Le lecteur pressent le drame.
Tout va très vite dans Le sourire du scorpion. Le premier quart du roman agit un peu par KO. Voilà la famille installée sur le causse pour panser ses blessures, au milieu d’une nature tour à tour hostile et accueillante. Chacun vit le deuil à sa façon, et les actes soulignent l’état psychologique : déni, hébétude, fuite, dépassement. Mais il faut avancer et se construire, en s’appuyant sur toutes les bienveillances possible.
Le sourire du scorpion est de ces histoires qui confrontent l’homme à la nature. Comme pour mieux montrer à quel point le plus grand prédateur reste notre semblable. Ce petit parfum d’évidence empêche le roman de prendre toute sa puissance. Mais surtout, en évoquant la guerre et sa violence sans le faire frontalement, l’auteur finit par déséquilibrer son histoire. A l’image d’une écriture oscillant entre sécheresse et foisonnement outrancier. Les personnages restent des étrangers pour qui il est difficile d’éprouver des émotions. Jusqu’au coup de bambou final, dont la brutalité aurait pu être tellement plus forte.
Roman sélectionné pour le Prix des Chroniqueurs Toulouse Polars du Sud
Caroline de Benedetti
Patrice Gain, Le sourire du scorpion, Le Mot et le Reste 2020, 208 p., 19 euros
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