Mnémos commence cette année la publication d’une intégrale des textes de Lovecraft en sept volumes, dans une traduction de David Camus. Les deux premiers tomes « Les contrées du rêve » et « Les montagnes hallucinées » sont déjà disponibles en librairie, et « L’affaire Charles Dexter Ward » sortira en mai 2022. L’occasion de nous (re)plonger dans quelques textes dont certains ne sont pas sans passerelles avec le roman policier…
Le témoignage de Randolph Carter de H.P. Lovecraft est une courte nouvelle écrite en 1919. La terreur se marie avec le récit policier (un interrogatoire), le hard-boiled (une scène d’action) et le récit d’aventure (l’exploration d’un cimetière). L’histoire se déroule en flash-back pendant que la police interroge Randolph Carter sur la disparition de son ami Harley Warren.
Alors qu’ils visitent tous les deux un ancien cimetière près d’un marais, Harley Warren disparait en descendant dans un caveau. Randolph communique avec son compagnon au moyen d’un téléphone filaire, sorte d’ancêtre du téléphone portable.
« Je ne sais rien au-delà de ce que j’en ai vu »… et effectivement Randolph n’a rien vu… L’effet « terreur par téléphone » permet de laisser place à l’imagination du narrateur, et à celle du lecteur. Le procédé fonctionne très bien, à la lecture on imagine la peur de Randolph imaginant lui-même la terreur de son ami Warren.
La nouvelle comporte les descriptions précises de paysages chers à Lovecraft. Vous croiserez aussi quelques images poétiques et évocatrices comme « le pourrissement de la pierre ». Le procédé du témoignage et le thème de la connaissance maudite sont des récurrences, la folie et la perte de mémoire aussi, tout comme le personnage principal.
Randolph Carter apparaitra dans six autres nouvelles (dont La quête onirique de Kadath l’Inconnue) dont la rédaction s’étend de 1919 à 1933. Comme avec les personnages récurrents des pulps, chacune de ces nouvelles apporte de nouveaux éléments biographiques concernant le « héros ». Ce que l’on peut considérer comme un double littéraire de Lovecraft livre ici un témoignage effrayant. Les deux dernières phrases tournent comme un mantra de la terreur…
… et la dalle n’a pas été refermée.
Emeric Cloche