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Cosy crime, le gentil rural ?

La littérature est traversées par des modes déterminées par les éditeurs, ou les journalistes, qui donnent le « la » aux lecteurs et lectrices. Souvenez-vous du rural noir. Depuis quelques années, les tables des librairies fleurissent sous les couvertures colorées d’une autre tendance qui vend : le cosy crime, le gentil rural. Comme pour ce dernier, est-ce vraiment une nouveauté ?

Cosy crime, le gentil rural ? formation polar fondu au noir 2022

Le cosy respecte les codes du roman à énigme. La découverte du cadavre ouvre l’histoire : pendu à un arbre (Chasse aux sorcières, MC Beaton), ou carbonisé dans un incendie (Brasier, héritage et coup du sort, Ann Granger). Le cosy s’appuie sur un décor, plutôt la campagne que la ville. L’enquête est menée par toute personne qui n’appartient pas à l’institution policière. Exit le flic alcoolique, bonjour la sémillante fouineuse buveuse de thé. Le héros est récurrent, le cosy se décline en série littéraire pour augmenter l’effet d’attachement et d’immersion. L’humour et la légèreté dominent l’ambiance. Il est rarement question, de guerre, de politique ou de crise sociale, le monde est resserré autour du sujet et de l’approche psychologique des personnages. Mais ces règles ont leurs exceptions. Dans le premier tome de Son espionne royale (Rhys Bowen), la jeune Georgie n’a pas affaire à un meurtre. Chez Faith Martin l’enquêtrice Trudy Loveday est policière.

Si les anglo-saxons dominent la tendance cosy, tout bon filon donne des idées. En France, Christian Carayon s’y met (Les saisons d’après) tout comme Margot et Jean Le Moal (Bretzel et beurre salé) ou encore la très belge Nadine Monfils (Les enquêtes de Magritte et Georgette). Matin Calme, fidèle au polar coréen, a trouvé une perle en la personne de Jeon Gunwoo (Les 4 enquêtrices de la supérette Gwangseon).

On peut dater la tendance récente du cosy au succès de MC Beaton, publiée en France depuis 2016, suivie par Julia Chapman (2018), et Rhys Bowen (2019). Gallmeister, réputé pour ses romans noirs, a publié Keith McCafferty (Le baiser des Crazy Moutains) et un polar de Ned Crabb (Meutres à Willow Pound) dans la lignée d’Agatha Christie. Agatha bien sûr, c’est à elle que l’on songe en parlant de roman policier champêtre et léger. Mais il y en a eu d’autres. Lilian Jackson Braun (la série des « Chat qui… » avec le journaliste Qwilleran), Dorothy L. Sayers, ou encore Patricia Wentworth avec les enquêtes de Miss Silver, et Ngaio Marsh avec Roderick Allen, toutes deux publiées dans les années 30 et rééditées par 10/18.

Le cosy offre le « bon moment de lecture » souvent vanté par ceux qui cherchent l’évasion et le divertissement. Mais il ne reste souvent que peu de souvenirs de cette lecture, quelques semaines plus tard. Le cosy est le « feel good » du polar.

Caroline de Benedetti