C’est par les paysages qu’on entre dans cette bande-dessinée. Les collines, le ciel, la roche, l’obscurité qui vient, la pluie qui tombe. Les pastels sombres magnifient la nature alors qu’un jeune berger entre dans le cadre. Mais une ombre plane. La voix des bêtes, la faim des hommes de Thomas Gilbert bascule tout de suite dans le drame.
Elle s’appelle Brunehilde, cape sur le dos, bâton à la main et loup à ses côtés. Cette guérisseuse croise le chemin de Paulin le bonimenteur. Le duo apprend que des crimes sont commis et des enfants assassinés. Les soupçons des villageois se portent sur les loups. Qui, de l’animal ou de l’Homme, peut tuer aussi brutalement ? La question parcourt toute la littérature.
Le récit prend de nombreux aspects fantasmatiques. Le nez de Brunehilde porte une cicatrice qui saigne à l’approche du Mal. Dans un couvent, le moine Othon est saisi de visions divines à l’aspect inquiétant. Pendant ce temps, les villageois luttent contre la famine et tentent de dompter la nature, certains de la supériorité de l’Homme.
Notre duo va donc enquêter, d’abord par empathie, puis pour sauver sa peau. De tout temps, les coupables désignés se trouvent parmi les marginaux. Il est plus aisé de chercher le Mal dans ce qui est extérieur à la société. L’identité du coupable se devine très vite, l’enjeu n’est pas là. On savoure l’imaginaire, les légendes où puise l’auteur, et le style des planches. Les cavaliers de l’Apocalypse offrent de superbes pleines pages. La folie règne, et il faudra toute la bonté humaine pour l’affronter.
Caroline de Benedetti
La voix des bêtes, la faim des hommes de Thomas Gilbert, 2023, Dargaud, 180 p., 22 euros.