La lecture du roman Les Nocturnes de Boileau & Narcejac (voir L’Indic n°33) m’a donné envie de me replonger dans un genre qui ne possède plus vraiment de collection dédiée en France : l’espionnage. John Le Carré étant l’un des grands noms du genre, je me suis procuré Une vérité si délicate, sorti en avril 2018 dans la collection de poche Points.
Il est étrange que la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS aient quelque peu sonné le glas du roman d’espionnage. La fin de la guerre froide (que certains appellent la 3ème guerre mondiale) a dû multiplier les opérations d’espionnage. Le monde est devenu encore plus complexe. L’ennemi n’est plus aussi facilement identifiable, ce n’est plus le bloc soviétique.
« (…) arrêtons-nous un instant sur la figure d’Erik Prince, condotierre de notre temps. Fondateur de Blackwater, la plus grande Société Militaire Privée (SMP) du monde, il écume le théâtre des opérations de l’armée américaine à travers le globe. Plus Washington part en guerre, plus Erik Prince gagne de l’argent. En 2007 seulement, il signe plus d’un milliard de dollars avec l’État. Cette année là alors que pas moins de 177 SMP exercent en Irak, Blackwater y dispose d’une troupe de 1200 hommes. »
Raphaël Glucksmann, Les enfants du vide, Allary Éditions, 2018
Dans Une vérité si délicate le nouvel ennemi est le privé. Comprendre les officines de sécurité privée qui vendent leurs services aux États. C’est en cela que le roman de John Le Carré rejoint cette citation du dernier livre de Raphaël Glucksman. Le fameux partenariat public/privé, le gagnant/gagnant vendu par les néolibéraux, se trouve au cœur du roman. Les cauchemars décrits par le mouvement de littérature de science fiction Cyberpunk à la fin des années 80 ne seraient-ils pas en train de se réaliser ?
Emeric Cloche
À lire du même auteur : L’espion qui venait du froid.
John Le Carré, Une vérité si délicate, Seuil, traduit de l’anglais par Isabelle Perrin, collection poche Points, 399 pages, 7,90 €