Marcel Proust se prépare à l’un des petits plaisirs de la matinée, à savoir ouvrir le journal, parcourir les nouvelles du monde et les faits divers. Sous le titre « Un drame de la folie » il découvre qu’une de ses connaissances s’est suicidée après avoir tué sa mère. Il devait lui écrire le matin même. Il rédige alors un article pour Le Figaro, qui paraîtra le 1er Février 1907, dans lequel il rapproche le fait divers de grandes figures littéraires et mythologiques .
Les éditions Allia, sous le titre Sentiment filiaux d’un parricide, proposent l’article de Proust accolé aux articles qui relatent l’affaire dans Le Figaro et Le Matin du 25 Janvier 1907. Cette présentation permet de comparer les approches journalistique et littéraire autour d’un même fait. S’en suit le texte Une tragédie intemporelle de Georges Barbéry.
Si j’ai répété avec insistance ces grands noms tragiques, surtout ceux d’Ajax et d’Œdipe, le lecteur doit comprendre pourquoi, pourquoi aussi j’ai publié ces lettres et écrit cette page. J’ai voulu montrer dans quelle pure, dans quelle religieuse atmosphère de beauté morale eut lieu cette explosion de folie et de sang qui l’éclabousse sans parvenir à la souiller. J’ai voulu aérer la chambre du crime d’un souffle qui vînt du ciel, montrer que ce fait divers était exactement un de ces drames grecs dont la représentation était presque une cérémonie religieuse, et que le pauvre parricide n’était pas une brute criminelle, un être en dehors de l’humanité, mais un noble exemplaire d’humanité, un homme d’esprit éclairé, un fils tendre et pieux, que la plus inéluctable fatalité — disons pathologique pour parler comme tout le monde — a jeté — le plus malheureux des mortels — dans un crime et une expiation dignes de demeurer illustres.
Emeric Cloche
Marcel Proust, Sentiments filiaux d’un parricide, Allia, 2016, 3,10 Euros, 48 pages.