C’est une histoire basée sur des faits réels. Un beau portrait d’arnaqueur, et l’on comprend que Michel Embareck, grand amateur d’escrocs, nous ait recommandé ce roman. La proie de l’escroc : un homme et son projet, changer de vie, promouvoir le bio grâce à la ferme de la Ville aux Voies, regrouper « une nouvelle vague d’agriculteurs, volontaires et militants, venus à la terre avec l’espoir de ne pas reproduire les erreurs des générations précédentes, celles de l’après-guerre, de l’agriculture intensive, de la chimie et de la PAC (…) ». Mieux produire, mieux manger, mieux vivre. Nous suivons le chemin de Camille Vollot et sa famille, une lignée de bouchers, les mains dans la viande. Sa femme l’accompagne, les pieds dans la terre quand lui a la tête dans les étoiles. Toute cette histoire qui passe par Nantes, la Vendée et Paris, la capitale aux mirages, permet à l’auteur une réflexion sur l’agriculture aujourd’hui, sur la disparition du petit commerce et la possibilité de faire bien. L’envie de « nature » qui saisit chacun sert aussi un business qui exploite les modes, et souvent les engagements en restent au superficiel. Du baratin écologique des faiseurs de mode au baratin écologique quand il faut changer les pratiques en profondeur.
« Voilà. Il avait trouvé : l’émotion. Il allait leur donner de l’émotion. Il les baiserait à l’émotion. Et pas un ne lèverait le petit doigt, trop occupés à maquiller leur besoin d’argent sous des baratins écologiques. »
La louve n’oublie pas d’être un roman, il pose des questions morales et fait aussi un portrait de famille avec son drame : le suicide d’un des frères. Il y a du parti pris dans ce roman qui dessine deux lignes assez nettes, deux oppositions franches, mais évoque aussi le lent changement des mentalités et le poids des habitudes. Un repas entre amis donne l’occasion d’évoquer le véganisme à partir de l’exemple de Caïn et Abel, tué par son frère qui « n’avait juste pas envie de manger ses haricots verts et ses courgettes. » S’il flotte un peu d’idéalisme, c’est que le personnage l’est aussi. Le poids de la réalité n’en est que plus lourd. La fin de l’histoire, révélation de l’imposture et vengeance, n’est pas la partie la plus réussie, mais La louve a tout d’un premier roman emballant.
Caroline de Benedetti
Paul-Henry Bizon, La louve, Gallimard, 2017, 256 p., 20 €