11 juin 1981. La réserve de Restigouche est prise d’assaut par les policiers de la sûreté du Québec : les filets des indiens Mig’maq servant à pêcher le saumon sont confisqués, en dépit de traditions millénaires. Les autochtones se retrouvent malgré eux au milieu d’une bataille politique entre les gouvernements canadien et québecois. Dans ce chaos, Yves, garde-chasse démissionnaire, trouve au bord de la rivière une jeune amérindienne de quinze ans. Il demande l’aide de William, un indien qui s’est isolé des siens pour des raisons obscures. Caroline, une institutrice française, découvre les paradoxes de ce territoire qui défend sa langue et son indépendance tout en étant incapable de permettre la même chose au peuple autochtone.
« Taqawan » est le nom donné par les indiens Mig’maq au jeune saumon qui revient pour la première fois dans sa rivière natale. La métaphore est toute trouvée face à cette région qui a bien du mal à se réconcilier avec son passé : « Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. » Le Québec a ceci de particulier qu’il est un pays dans un pays. Une sorte de jeu de poupées russes où les amérindiens ne comptent pas : soit ils s’adaptent au mode de vie occidental importé par les anglais et français, soit ils se résignent à être parqués dans des réserves de la taille d’un confetti au regard de leur territoire initial. Notre langue commune a tendance à nous faire idéaliser ce petit îlot de francophonie en Amérique, qui n’a pas hésité à recourir aux mêmes méthodes que son voisin étasunien pour exterminer des peuples légitimes.
Tout en s’appuyant sur un événement réel, ce livre de tout juste 208 pages réussit le pari de mêler les genres. La narration est découpée par des chapitres courts, de parfois même quelques lignes, où la chronique historique ou sociale succède au récit d’aventure, d’amour ou même de meurtres. À travers cette histoire, Eric Plamondon lance un hymne, voir même un cri du cœur, à la beauté de la région : la neige, les bois, le froid, les étendues d’eau. Mais il garde un regard critique et objectif sur le passé et la culture québécoise, illustré par les différents personnages qui portent chacun leur propre regard sur la situation du Québec et de la réserve. Alors que le gouvernement du Québec a officiellement reconnu en 2015 le génocide culturel envers les autochtones, notamment mis en œuvre avec le régime des pensionnats, Taqawan est une puissante piqûre de rappel.
Justine Vaillant
Eric Plamondon, Taqawan, Quidam Editeur, 2018, 20 €, 208 p.
One thought on “Taqawan de Eric Plamondon”
Comments are closed.