Le boulevard Saint-Michel est noyé, ce dimanche soir, dans une brume de décembre, et l’image d’une rue me revient en mémoire, l’une des rares du quartier Latin – la seule, je crois, qui figure souvent dans mes rêves.
Une des marottes littéraires de Modiano est la promenade dans Paris, une autre est le fait divers. Les deux sont à nouveau réunis pour Fleurs de ruine. Comme pour Dora Bruder Modiano rattache l’histoire sur laquelle il enquête à son histoire personnelle. Les protagonistes ont-ils rencontré les personnes qu’il a lui même rencontrées ? Ont-ils fréquenté les même lieux à quelques dizaines d’années d’écart ? Et le lecteur assidu des oeuvres de Modiano retrouvera les personnages (le père, la bande de la rue Lauriston), les événements (la guerre), les lieux (Paris, les entrepôts, une rue, un café, un garage…). Il entremêle ses souvenirs à l’Histoire du monde et c’est ainsi qu’une sortie au stade Charléty pour assister à une épreuve de course à pieds se retrouve précisément datée grâce à la Une d’un journal qui annonce la mort de Marilyn Monroe.
Quelques nouvelles pièces du puzzle se mettent en place et dessinent comme une petite mythologie personnelle. La nostalgie est là, toujours, mais plus que l’abandon (pour ce sentiment lire Remise de Peine) c’est la disparition qui tient, ici, le haut du pavé.
Emeric Cloche
Patrick Modiano, Fleurs de ruine, éditions du Seuil, 1991