Une Épinette dans le Tarot
Dans les années 40 les parents de William Bayer publient quatre romans sous le nom d’Oliver Weld Bayer. Le fiston William voit le jour en 1939 à Cleveland dans l’Ohio et sort son premier livre In Search of a Hero, fortement influencé par Hemingway, en 1962. Tarot, son 14ème ouvrage, n’a été publié qu’en France et nous plonge avec délice dans l’univers du tarot, dont Bayer connaît les arcanes. Il possède lui-même 400 jeux différents ! Faut dire, des tarots y en a une palanquée : entre celui de Marseille avec ses figures à l’ancienne, le Mythique, celui de Jung, celui de La Rose Sacré, le Tarot des Félins, le Karma, le Cosmique, le Thot, l’Egyptien, le Celtique et Le Tarot du Verseau, celui de Rider (dont il est principalement question ici) il y a de quoi collectionner et donner des idées de roman. C’est comme cela qu’Italo Calvino voit le Tarot, comme une formidable machine à raconter des histoires.
Tarot est un bon thriller psychologique avec ambiance sulfureuse et personnages gothiques à souhait, sans pour autant tomber dans le cliché. On y reconnaît la patte de Bayer, son art de mettre en place des psychopathes sexuels et des intrigues bien structurées. Comme Stephen King, il a une façon de nous prendre par la main pour nous faire explorer un univers particulier. Si la musique n’est pas au centre du roman de Bayer on y croisera tout de même des pastiches de Cole Porter, du Bob Dylan, Prudence Johnson, Schubert, et, à la page 153, une épinette avec sur son pupitre une partition signée Stephen Foster…
Stephen Collins Foster voit le jour en 1826 à Lawrenceville en Pennsylvannie. Quasiment autodidacte, il apprend la musique sur une flûte avant de maîtriser la guitare et le piano. Il commence à composer en 1840 et publie sa première ballade Open The Lattice Love à 18 ans alors qu’il travaille comme comptable pour son frère à Cincinnati… dès lors il n’aura de cesse d’écrire des chansons. On en recense 189 à son actif dont les célèbres : Campton Race (qui fut utilisée par Abraham Lincoln pour la campagne présidentielle de 1860), Swanee Ribber (aussi appelée Old Folk at Home), Oh Susanna (qui fut popularisée au moment de la ruée vers l’or de 1849), My Old Kentucky Home, Old Black Joe, Massa’s in the cold ground… Ses paroles racontent la douceur de vivre dans le Sud profond (qu’il fréquenta très peu…) et de son attachement à la nature. Elles chantent la nostalgie de ce qui est passé et qui n’est plus. Sentimentales, mais non dénuées de burlesque et de fantaisie. Il y mélange ses influences musicales : la musique des minstrels (parodies plus ou moins racistes de spirituals et de chansons noires jouées et chantées par des blancs qui se grimaient avec du cirage) et les rudiments de musique classique que lui enseigna Henry Kleber, le gérant du magasin de musique de sa ville natale. Très populaire de son vivant jusqu’à nos jours, Foster était souvent sans le sou. Alcoolique, il vend ses chansons pour rien (la tubesque et immortelle Oh Susanna ! se monnaie 100 dollars). Il se sépare de sa femme Jane Deny McDowell (contralto du Stephen Foster Quartet) pour qui il a écrit Jeanie with the light brown hair et meurt peu de temps après, à 37 ans, dans un hôpital de New York en 1860. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des pères de la musique américaine.
NB : Pour celles et ceux qui voudraient continuer sur la voix du tarot, on ne peut que conseiller la lecture de l’excellent roman de Gresham Le Charlatan paru à la Série Noire (n°2463)
Emeric Cloche
(Cet article de Duclock légèrement remanié est précédement paru dans la revue L’Ours Polar n°43 / Septembre 2007 dans la rubrique La musique adoucit les moeurs.)