L’esprit ailleurs, il nettoyait un vieux Mat 49 depuis un petit moment lorsqu’il se leva, engagea sèchement un chargeur et, l’arme appuyée à la hanche, tira en une seule et longue rafale.
Les balles se groupèrent avec ensemble au centre d’une cible minuscule peinte en rouge sur le mur d’en face.
Il demeura immobile quelques secondes, les yeux dans le vague, et ressentit une immense impression d’échec, de naufrage. Il hésita encore, posa l’arme sur un établi et sortit.
« La vie est une opération de commando. C’est une razzia sur l’amour, l’amitié, la tendresse, le bagarre, le pouvoir… »
Telle est la devise d’un des Chats Bottés.
Le roman policier peut être vu en partie comme la continuation du roman de chevalerie où un héros (souvent devenu un anti-héros pour l’occasion) va se dresser contre les injustices et tenter d’établir un ordre social plus juste (ou de rétablir, pour ceux qui s’accrochent au mythe d’un passé fabuleux) et Frédéric H. Fajardie s’approche de cela. La nuit des Chats bottés est un genre de conte de fée – doublé d’une histoire d’amour romantique – noir et explosif. Sur le fond c’est un peu le même principe que dans Tueurs de flics, il s’agit d’une vengeance, d’une réaction « romantique révolutionnaire » face au système. «Tu vois, je te l’avais dit depuis longtemps ! Deux mecs dingues, compétents, et tout se bloque. Trente ans que je me demandais si je verrais ça un jour ! »
On retrouve les marottes présentes dès le premier roman de Fajardie : ses coups de gueule contre la presse avec une scène cocasse de « montage » d’un article ; l’amour fou, l’armée dont sont issus les héros ; la violence, la description précise des armes (comme chez ADG et Manchette) ; la vengeance et le discours tranché des personnages « Cette ordure d’huissier, il tuait tous les jours à l’ombre de la loi. Il tuait des petites gens à petit feu aussi sûrement qu’un chapelet de bombes au phosphore sur un hospice de vieillards. Et c’est sur lui qu’il faudrait pleurer ? Ce sont les risques du métier. Lorsqu’un ouvrier se casse la gueule d’un échafaudage, on ne fait pas tant de salades. » Toute une époque.
Le romantisme est ici un souffle constant qui hurle tout au long du roman. Un peu trop peut-être… est-ce pour cela que l’on croise du Chopin ?
Emeric Cloche
Frédéric H. Fajardie, La nuit des Chats Bottés, Phot’œil, collection « Sanguine » no 4, 1979.
(Cette note de lecture a précédemment fait l’objet d’une publication il y a quelques années sur le défunt et fameux site Pol’art Noir).