Tueurs de Flics est le premier roman de Frédéric H. Fajardie écrit entre Mimizan et Paris durant l’été et l’automne 1975. Humour glacé, engagé et politique dans le sillage d’un Manchette ou d’un ADG avec des pointes de poésie et de lyrisme, un ton que je n’ai jamais rencontré ailleurs et qui me fait penser au chanteur Allain Leprest. Les rouages de la société et le fonctionnement de la police sont analysés par l’œil critique dans un style concis et nerveux. Les propos de Fajardie sont violents dans le fond et dans la forme. On ressent une certaine fascination où tout au moins une compréhension – une certaine sympathie dans le sens de partager le même sentiment – pour les « tueurs de flics » qui œuvrent tout au long du roman : « Quand à celui que votre presse pourrie appelle « le grand Africain » c’est effectivement un grand africain. Son 1 mètre 88, bien sûr, mais ce n’est pas une question de taille. C’est un chef de tribu, un guerrier noir recouvert de peau de panthère, un homme éternel et nouveau qui annonce des temps nouveaux loin du déclin des Blancs, cette immonde pourriture blanche qui sent le cadavre. C’est l’heure ! L’heure des clans, des sectes. Votre pourriture s’écroulera dans le reflet étincelant des longs couteaux de la nuit et des rasoirs du crépuscule. Il faut désapprendre, retour à la préhistoire, à la tribu, là précisément où commença l’erreur. Nous nions vingt siècles d’histoire, de domination par le pognon, le salariat, vos modèles de réussite. »
À l’image de la prise d’otage (qui ouvre le roman) par l’homme Paic-Citron qui veut rentrer dans la machine à laver pour faire comme dans la pub vue à la télé, les « tueurs de flics » sont des gens brisés – à divers niveaux – par la société. Le personnage de Padovani – le flic à part – veut comprendre, changer l’ordre. Mais attention, il ne s’agit pas là de pardonner les actes, juste de les comprendre, de suivre le sentiment, de le partager, peut-être… mais la mort, non, la vengeance aveugle et les théories poussent au pire.
On croisera en moins de 200 pages des personnages plantés en quelques lignes, en quelques actions, de la musique, des odeurs, un mythe, un regard sur l’ambiance politique des années 70, de la poésie et de l’angoisse : « De telles réflexions – dans un tel cadre – me coupaient de la masse de mes collègues et, devrais-je dire, de la masse des hommes qui, pour la plupart, couraient aveuglément après ce faux luxe. Cette idée de coupure profonde n’était pas pour me rassurer. Tout au contraire, elle nourrit et augmenta l’angoisse qui naissait en moi. Poussant plus avant l’introspection – je n’étais pourtant pas familier de cet exercice – je butais sur une tautologie : le propre de mon angoisse est qu’elle est angoissante. Je cherchai en vain une cause précise là où il s’en trouvait sans doute des dizaines, toutes de second ordre. »
Frédéric H. Fajardie fait court et violent.
Emeric Cloche
(Cette note de lecture a été publié il y a quelques années sur le défunt site Pol’Art Noir)
Frédéric H. Fajardie, Tueurs de flics, Phot’œil collection « Sanguine » n°2, 1979, réédition 2016 La Petite Vermillon/La Table Ronde