Le deuxième roman de Nicolas Beuglet, Le Cri, est étiquetté « Sélection prix nouvelles voix du polar ». Si nous n’avons aucune illusion sur les bandeaux publicitaires et autres arguments de 4e de couverture, il faut laisser parfois le bénéfice du doute. Et puis la fabuleuse proximité sémantique Beuglet/Cri a attiré mon attention sur ce roman.
Le thriller porte en lui des codes et archétypes, tout comme le roman noir. Le code n’a rien de mauvais en soi. Mais s’y limiter mène bien des romans à la caricature. On trouve sans doute plus de caricatures dans le thriller, son succès commercial amenant des publications en grand nombre. Méfions-nous tout de même de notre indulgence envers le roman noir, mais c’est un autre sujet.
Le Cri souffre du défaut d’être un énième thriller. La tolérance et l’envie de se divertir n’y changent rien. Si vous êtes un lecteur habitué au polar, vous partirez avec un handicap. Ce genre de roman est marqué par la surabondance. D’abord les éléments incroyables, qu’on ne peut que relever même si l’on sait à quel point faire « vrai » n’est pas l’objet du thriller. Ensuite, le déjà vu s’enchaîne dans les 50 premières pages : l’hôpital psychiatrique, son directeur, son tueur en série et son mystérieux patient. En littérature il est difficile d’inventer quelque chose qui n’a pas été déjà raconté, mais tout tient dans la manière de… Surabondance d’adjectifs et pauvreté du vocabulaire restent décourageants. La super flic, la lobotomie, la CIA, le labo pharmaceutique et les expériences secrètes, il faut quand même savoir que ça a été écrit à peu près 124679 fois. Quelqu’un pourrait songer à renouveler ça ?
« Projetant dans sa tête la souffrance de Simon, il y mêlait l’impitoyable culpabilité, l’intenable impuissance et la dévorante colère. »
Et puis il y a la mécanique. En 72 heures nos héros (le frère du mort est bien heureusement journaliste) mettront 5 minutes à anéantir le moindre obstacle mis sur leur chemin par l’auteur. Et ce chemin se voit ! Les suspects avouent en 5 minutes à super Sarah. Le tout professé sur le ton d’un mauvais acteur dans la pire tirade d’un film d’action de seconde zone. Une pensée émue pour Le baiser de jason de Laurent Scalèse, tout de même inégalé à ce jour dans le genre.
Il fut un temps où le terme thriller me hérissait le poil, mais je me suis soignée. Si de très bons thrillers existent, celui-ci me promet une rechute de préjugés. Gardez-le loin de vous et prenez plutôt un petit Rupture de Simon Lelic, tiens.
Caroline de Benedetti
Nicolas Beuglet, Le cri, Pocket, 2018, 8,30 €, 558 p.