Après Les Abattus Noëlle Renaude continue d’évoquer l’enfance et la famille, cette fois à travers un cadre un peu plus large. C’est Une petite société que l’on suit dans un tourbillon.
Quelque chose de cinématographique plane sur ce roman. La demeure d’où part l’intrigue principale a tout d’un lieu chabrolien, dans lequel s’agitent des drames bourgeois. Une assistante comptable y observe la vie des voisins, par la fenêtre de son bureau. C’est quasi une obsession, une évasion. Tout plutôt que son métier guère passionnant et sa vie personnelle si peu enthousiasmante. L’autrice fait de cette grande demeure le cœur palpitant du livre. Les hommes et les femmes qui l’approchent ont eux-aussi leur vie décrite, pour donner par petite touche une compréhension du tableau d’ensemble.
« Le jour où Louise apprend, elle ne sait plus par qui ni comment, que la maison est habitée par des Anglais, elle s’écrie, ce que je peux être cruche des fois monsieur Mignon évidemment qu’il a le chic british cet homme-là, Mignon la tête dans ses chiffres (et pas encore dans ses malheurs qu’à la vérité personne ne sera capable de vraiment date, Louise la première), dos au spectacle, renifle et se mouche et la laisse dire. »
Une fois le roman refermé, le mystère et le drame apparaissent dans leur simplicité. Toutes les histoires ont été racontées, il ne faut pas s’attendre à une surprise. L’habileté tient dans l’écriture. Noëlle Renaude est dramaturge et s’y entend pour planter son histoire. La première scène fait vivre le suicide de l’homme de maison et découvrir ses habitants. La deuxième réduit le champ des acteurs puisqu’il ne reste qu’une femme et un enfant. Vient ensuite le point de vue de Louise, la comptable. Elle ne peut que décrire les protagonistes – la blonde, le monsieur, le bébé, la rousse – et leurs actions. Untel fait ceci, unetelle fait cela. Béhaviorisme pur. Ce petit monde l’intrigue, qui sont-ils, quelles sont leurs relations ?
Le tourbillon tient dans ce va-et-vient des points de vue. Le comptable, le détective privé, la flic, la greffière, le garde du corps, sont tour à tour les voix du récit. Mais il ne s’agit pas d’un roman choral. Le narrateur omniscient suit chacun des personnages, plus ou moins lié à la grande demeure. Des vies, des tristesses plus que des joies, des souvenirs d’enfance, émergent du récit. Seul regret, l’histoire traîne en longueur et le rideau tombe à l’aide d’un artifice déstabilisant, bien qu’annoncé.
Caroline de Benedetti
Noëlle Renaude, Une petite société, Rivages/Noir, 2022, 21,90 euros, 350 p.