La fantasy propose d’autres paysages, d’autres ordres sociaux… Bzjeurd tient de Conan le Barbare et du Disque rayé de Kurt Steiner. Conan pour son côté violent et guerrier, Le disque rayé pour son monde étrange. Bzjeurd est un exemple de ce que l’étrange peut provoquer au sein de la fantasy.
Le roman fonctionne par anamorphose, on découvre le monde à travers les yeux de Bzjeurd. La focale se fait sur ce qu’il voit, ce qu’il sait. Dès le premier paragraphe nous perdons pied, ce monde n’est pas normal. Il est indécis ; nous serons tour à tour en terrain connu (les lamproies, des boulons) et en terre étrangère (les limbes, les pouffins). Petit à petit les champs de force qui régissent les Limbes se mettent en place. On en comprend la géographie, on discerne l’ordre social. Les villageois, les lutteurs, les légionnaires, les phalanges, les prostituées, tout un ordre holistique où chacun se hisse « à sa place » dans la violence et les rites initiatiques au sein de la forteresse Kazerm. Peut-être cette histoire est-elle une allégorie de notre société ? De la ville et la campagne ? Certaines questions resteront dans l’ombre, ce sera à nous de remplir les blancs, de construire les réponses.
Le texte est travaillé avec concision et intensité, à la manière de la science-fiction française des années 80 (on pourra convoquer Philippe Curval et Pierre Pelot au jeu des comparaisons). La poésie et le désespoir mènent la plume de Olivier Sillig et la lecture de Bzjeurd ne laissera personne indifférent.
Emeric Cloche
Olivier Sillig, Bzjeurd, L’Atalante, 1995 puis Folio SF, 2000. 192 pages.