Les romans de la ZAD … Ils sont déjà plusieurs à avoir trouvé matière romanesque dans cette méthode d’occupation de terrain : Sylvie Deshors, Pascal Dessaint, Jérôme Leroy… et sans doute le premier d’entre eux, Alain Damasio avec La Zone du Dehors. À la lecture de la bibliographie de Jérôme Camut et Nathalie Hug, des préjugés peuvent apparaître. Comment ces deux poids lourds du thriller vont-ils traiter un sujet aussi sensible ? On a bien dit, « préjugés ».
Eviter les écueils
La ZAD véhicule des fantasmes, dans les deux sens : îlot idéal pour certains, lieu maléfique pour d’autres. On prendra pour exemple les informations choc transmises par les médias : l’illusoire création de boules de pétanques hérissés de lames de rasoir, ou encore l’utilisation de bouteilles d’acide contre les forces de l’ordre. Le duo d’auteurs reprend cette image et dégonfle heureusement le mythe. Mais le roman montre aussi l’opposition de différentes idées au sein d’un même groupe porté par une vision commune : lutter contre la construction d’un luxueux hôtel sur l’île d’Oléron.
La violence
La question (éternelle) de la légitimité de l’usage de la violence est aussi abordée à travers les nombreux personnages et camps qui s’affrontent. Il y a bien sûr ceux du « dedans » opposés au « dehors », c’est à dire l’Etat et la police. La famille qui incarne l’histoire est elle-même marquée par cette scission : le père est un ancien policier devenu flic, plutôt du côté de l’ordre et de la norme. L’adolescente devenue zadiste a des convictions écologistes et militantes. Le beau-fils semble à peu près neutre… excepté son histoire d’amour avec sa demi-soeur. La belle-mère tente de maintenir l’unité de la famille. Ce qui n’est pas facile vu que la mère est médecin sur la ZAD ! Elle se bat aux côtés de Morgan Scali, l’eco-terroriste à l’origine de cette de ZAD. Veuf depuis la mort de sa femme dans un attentat, Scali est parti en Afrique et il a créé une fondation humanitaire. Toutes ces motivations, ancrées dans le passé, seront explorées dans un deuxième tome…
On pourra reprocher quelques travers à Islanova, des longueurs, certains rebondissements en trop, et des ressorts comme cette inondation où le loup vient opportunément sauver un personnage… Mais cette mécanique calibrée fait aussi preuve de son efficacité. Islanova porte des sujets de société dans une enveloppe divertissante. Ce n’est pas un gros mot. Emotion et réflexion se côtoient. Les auteurs évoquent des questions écologiques et se projettent dans un monde où l’usage de la violence se pose de plus en plus. Pas si consensuel…
Retrouvez les auteurs en interview dans L’Indic n°32.
Caroline de Benedetti
Jérôme Camut & Nathalie Hug, Islanova, Fleuve Noir, 2017, 22,90 €, 784 p.