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Les enfants sont rois de Delphine de Vigan

Les enfants sont rois de Delphine de Vigan

Un bon sujet suffit-il à faire un bon livre ? Surtout, un bon sujet fait-il un bon roman ? C’est la question que permet de poser Les enfants sont rois de Delphine de Vigan.

Réglons d’emblée un point : Les enfants sont rois n’est pas un mauvais roman. Son succès est compréhensible. L’autrice a sa renommée, la presse la suit, et bien des lecteurs ont dû découvrir avec stupéfaction un fait de société dans ce livre. L’existence des enfants stars n’est pas nouvelle. Shirley Temple a eu son lot de critiques, Jordi également, et aujourd’hui vient le temps des Youtubeurs et autres bébés instagramés par leurs parents. En 2018 des journaux comme Le Monde ou L’Express écrivaient sur ces influenceurs d’un nouveau genre.

Les enfants sont rois parle de la vie privée dévoilée, et met pour cela en scène deux femmes. Deux opposés (un peu trop) visibles : Mélanie la vedette frustrée nourrie à Loft Story, et Clara la gauchiste célibataire suicidaire. L’une a deux enfants, l’autre ne veut même pas d’une relation amoureuse. Après 50 pages d’exposition, un peu longues, la petite Kimmy disparaît et Clara – qui se trouve être flic – participe à l’enquête. Oui, c’est un polar. Un mauvais thriller, car jamais si la situation est bien sûr horrible, la peur ou la compassion ne se font pas sentir, que ce soit pour la mère ou la petite fille de 6 ans. Une idée géniale aurait consisté à faire du frère aîné le responsable du kidnapping, pour sauver sa sœur de la médiatisation. Mais hélas, le coupable n’a guère de panache ni d’importance.

Delphine de Vigan veut alerter sur le sort fait à ces enfants qui n’ont rien demandé. L’intention, louable, se perçoit à de nombreux moments. Seulement, la fiction peine à prendre le pas sur un air d’exposé. La flic Clara, avec ses fêlures, émeut parfois. L’issue du récit 10 ans plus tard, en 2031, a un parfum de prospective pas inintéressant. Mais tout est un peu trop évident et ne vaut pas 350 pages.

Oui, les enfants rois des réseaux sociaux sont pressurisés, oui la superficialité domine, oui le monde est un mensonge et la vie éphémère. Le même débat a eu lieu avec l’arrivée de la télé dans les foyers, de la téléréalité dans notre imaginaire, et des réseaux sociaux dans notre vie. Certes, chaque application franchit un pas dans l’installation d’une société de contrôle. De nombreux romans l’ont dit et bien mieux (au hasard, lisez La transparence selon Irina de Benjamin Fogel).

Je vous suggère d’écouter le podcast du 20 mars Des livres et délires. Vous y trouverez deux avis positifs et la critique de Bénédicte Giusti qui me semble pertinente. Parce que je ne vous ai rien dit de l’écriture…

Caroline de Benedetti

Delphine de Vigan, Les enfants sont rois, Gallimard, 2021, 20 euros, 352 p.