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Sur le ciel effondré de Colin Niel

Sur le ciel effondré de Colin NielVoici la quatrième enquête du capitaine Anato, gendarme en Guyane. Nous l’avions laissé avec Obia, qui racontait la complexité d’un pays, son histoire, les réfugiés qui le peuplent et le trafic de drogue. Colin Niel revient et continue de nous accompagner dans l’exploration de ce pays. Le roman s’ouvre de belle manière, avec la légende de Kuyuli et du peuple premier, fait de boue et de métamorphose. « On devenait toucan après avoir bu le jus du comou, on devenait vautour en se repaissant d’une chair mal boucanée, on se faisait hocco, marail, agami pour fuir le feu en se réfugiant sur les inselbergs. »

Mais de nos jours, à Cayenne et le long du fleuve Maroni, peu de possibilités de transformation s’offrent à la population. Chômage et pauvreté dominent. Et la perspective d’une mine d’or offre autant d’opportunités que de dilemmes. Que faire de la pollution ? Quel avenir pour les amérindiens ?

Colin Niel pose de nombreuses questions, ou plutôt, il expose de nombreuses situations. Prenant soin de ne pas juger, il fait état de la dualité d’un pays pris entre modernité et tradition. Entre passé et présent. Les religions s’y affrontent à mesure que le pouvoir des chamans s’efface. Une génération voit surgir un monde différent. Les épiciers chinois y vendent le rêvent du dernier Samsung. Les plus jeunes singent les caïds des ghettos américains, tout le pays n’est qu’un territoire à conquérir. Un monde foisonnant s’étale sous nos yeux.

Sur le ciel effondré a la force des sujets qu’il aborde, qui ne seraient rien sans les personnages qui le portent. Les femmes y tiennent une grande place, à commencer par Blakaman, l’adjudante au visage brûlé. Elle partage les projecteurs avec le capitaine Amato. Il faut aussi compter avec Evelyne Bienvenu, patronne chercheuse d’or, et la prostituée Leticia. Toutes et tous cherchent à s’extraire d’une condition, dans un pays où l’on extrait surtout l’or, quoiqu’il en coûte.

Sur le ciel effondré est émouvant et instructif. Il offre son lot d’aventures et déroule sous les yeux du lecteur des décors qui en mettent plein les yeux. La Guyane semble refléter, de façon décuplée, l’opposition entre de nombreuses problématiques qui agitent la métropole, mais aussi le monde. Comment ne pas y retrouver un petit bout de soi ?

Caroline de Benedetti

Colin Niel, Sur le ciel effondré, Rouergue, 2018, 23 €, 512 p.

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