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Darwyne de Colin Niel

Darwyne de Colin Niel

Avec un prénom en référence au scientifique qui a travaillé sur l’évolution des espèces, la couleur est annoncée. Darwyne de Colin Niel n’est cependant pas tant un appel au changement qu’un constat de son inéluctabilité.

Si la référence renvoie à la science, l’ambiance générale du roman relève d’un léger fantastique. D’abord du fait de la présence de la jungle amazonienne avec ses bruits. Les arbres, les plantes, les petits et grands animaux composent une bande son qui perturbe parfois l’esprit humain. Mais en toute chose, il faut savoir écouter et entendre. Si Mathurine, l’assistante sociale, s’arrêtait aux apparences, que dirait-elle de la famille Massily dans ce bidonville ? La mère couve son fils, celui-ci souffre d’un handicap, le beau-père est un migrant sans-papiers.

L’ambiguïté règne et c’est la grande force du roman. Maltraitance, ou pas ? Est-ce que Yolanda utilise la manière forte avec son fils Darwyne ? L’étrangeté du fils cache-t-elle de la cruauté ? La bienveillance du beau-père peut-elle basculer dans la violence ? Il faut aussi s’interroger sur la personnalité de Mathurine, fascinée par le jeune garçon alors qu’elle-même tente d’avoir un enfant.

Autour de ces personnages en quête de chaleur humaine, la nature guyanaise offre un cadre fabuleux. L’auteur sait y faire pour décrire les arbres et la faune auxquels se heurte le bidonville, perché sur une colline. « Des arbres, des arbres, des arbres à perte de vue… » Armé de son coupe-coupe, Jhonson, le beau-père, débroussaille sans cesse une végétation qui repousse. La pluie ruisselle et fait disparaître ceux qui ont le malheur de vivre aux endroits les plus fragiles. L’homme ne peut pas grand chose contre les éléments naturels. Mais la fascination de Mathurine pour la jungle, et l’amour de Darwyne pour la nature nous montrent peut-être une voie. À la façon d’une légende ou d’un conte, Colin Niel invite à un voyage merveilleux. Parfois, il faut savoir laisser la raison de côté.

Et le polar, dans tout ça ? Après une série guyanaise très policière, il y avait un cadavre et une enquête dans Seules les bêtes, mais depuis Entre fauves l’auteur s’attache surtout au drame ; la mort reste à la périphérie. Colin Niel se défait de l’enquête policière pour continuer de filer le sujet qui l’a toujours intéressé : notre rapport au vivant.

Caroline de Benedetti

Colin Niel, Darwyne, Rouergue Noir, 2022