Encore un roman sur l’Argentine, la dictature, les mères de la place de Mai. En plus, il y a tango dans le titre. Non pas qu’il ne soit jamais utile de rappeler l’Histoire, mais certains sujets donnent l’impression que vous connaissez déjà la moitié du livre que vous allez lire. Un peu comme avec l’Allemagne et la seconde guerre mondiale.
Et puis, intervient un paramètre qui peut tout faire basculer : l’auteur. Tove Alsterdal est suédoise. Ce n’est pas un argentin qui nous parle de son pays, ou un français qui nous raconte la dictature à sa façon.
Tango Fantôme se déroule entre Stockholm et Buenos Aires et alterne passé et présent. Classique. À la mort de sa sœur Charlie, classée comme un suicide, Hélène remonte le fil de son histoire familiale. Classique, toujours. Mais l’écriture se fait mordante et ne va pas là où on l’attend. Les personnages surprennent et se tiennent loin de la caricature. Souvent, un roman repose sur la qualité des personnages. Tove Alsterdal ne ménage pas les siens. Hélène semble à peine touchée par la mort de sa sœur, car c’est toute sa famille qu’elle tient à distance, sa mère qui un jour n’est plus revenue à la maison, et son père SDF. Le roman nous fait découvrir la jeunesse de cette femme disparue, révolutionnaire naïve débarquée en 1977 en Argentine pour suivre son amant. Il est son seul repère dans un pays où tout le monde est suspect. Son sort apparaît petit à petit, terrible. Hélène suit le chemin de sa sœur, qui elle-même suit celui de sa mère. Si son enquête lui amène des réponses qui vont l’aider à avancer, elle laisse le lecteur seul en possession de certaines vérités et totalement destabilisé. Tango fantôme parle de vengeance, de justice et d’oubli avec une grande originalité.
Tove Alsterdal, Tango fantôme, Traduit du suédois par Emmanuel Curtil, Le Rouergue, 2017, 23,50 €, 480 p.